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AIGLE IMPÉRIALE

Oiseau de Zeus puis de Jupiter, patron de Rome, l'aigle fut employé par les Barbares qui le considéraient comme le symbole de l'Être suprême (Édouard Salin). Des indices prouvent que Charlemagne l'employa au sommet du mât de ses navires (denier de Quentovic, après 804) et en mit une image en bronze au-dessus de son palais d'Aix (Richer, Thietmar). Ce symbole romain parvint aux Stauffen qui le placèrent sur leur écu (vers 1175, sous Frédéric Ier Barberousse, un pfennig frappé à Maestricht montre un écu orné d'un aigle et entouré d'une légende signifiant que c'est l'écu de l'empereur) ; c'est ainsi que les empereurs et rois des Romains, plus tard rois de Germanie, eurent les armes à l'aigle qui devinrent celles de l'Allemagne. Byzance prit aussi l'aigle, qui est du genre féminin en héraldique. Depuis la fin du xiiie siècle, Charlemagne fut souvent représenté symboliquement par un écu aux armes parti de l'Empire (l'aigle) et de France (les fleurs de lis), ce qui apparaît en particulier sur le sceptre « de Charlemagne » fait pour le sacre de Charles V de France (1364). Des auteurs français du xviie siècle en vinrent à dire que Charlemagne avait l'aigle d'or sur champ d'azur, alors que les armes traditionnelles du Saint-Empire étaient en réalité une aigle de sable (noir) en champ d'or. Ces textes d'André Favyn (Le Théâtre d'honneur de chevalerie, Paris, 1620) et de Marc-Gilbert de Varennes (Le Roy d'armes..., Paris, 1635) furent lus par Vivant Denon et Napoléon Ier quand on créa les armoiries impériales autour de l'idée de Charlemagne (1804). Pour distinguer la nouvelle aigle française des aigles de l'empereur des Romains et d'Autriche, de l'empereur de Russie, du roi de Prusse et même des États-Unis d'Amérique, on dessina une aigle romaine, empiétant un foudre, les ailes baissées, en un style naturaliste fort peu héraldique, mais déjà assez visible sur des symboles prussiens (maillons de l'ordre de l'Aigle noir, aigle des drapeaux, etc.). Les armoiries de la France impériale (1804-1814, 1815 et 1852-1870) portaient ainsi en leur milieu un écu d'azur à l'aigle antique d'or empiétant un foudre du même. Il est probable que c'est un architecte lyonnais du nom de Joseph Gay qui dessina aigle et armoiries, ces dernières étant fort mal décrites dans le décret du 10 juillet 1804. Antoine-Denis Chaudet, s'inspirant visiblement d'un monument romain, créa l'aigle similaire placée au sommet des drapeaux, étendards et guidons distribués le 5 décembre 1804, trois jours après le sacre. Cet oiseau impérial a donc donné son nom aux drapeaux napoléoniens, et l'on sait que cet objet métallique était aux yeux de l'Empereur beaucoup plus important que l'étoffe tricolore. Il reste peu d'« aigles » napoléoniennes dans les musées et collections particulières. Le terme de « grand aigle » servira, sous Napoléon Ier à désigner les plus importants légionnaires (1805), mais sera remplacé à partir de 1815 par celui de grand-croix de la Légion d'honneur.

— Hervé PINOTEAU

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Écrit par

  • : vice-président de l'Académie internationale d'héraldique

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