AIR, élément
Anaximène (~ 556-~ 480), à la différence de Thalès, enseignait que toute substance provient de l'air (pneuma) par raréfaction et condensation ; dilaté à l'extrême, cet air devient feu ; comprimé, il se transforme en vent ; il produit des nuages, qui donnent de l'eau lorsqu'ils sont comprimés. Une compression plus forte de l'eau transforme celle-ci en terre, dont la forme la plus condensée est la pierre. Empédocle a considéré trois autres éléments comme fondamentaux : le feu, l'eau et la terre, et Platon a donné une interprétation géométrique des quatre éléments dans laquelle l'air est représenté par l'octaèdre régulier.
La théorie des quatre éléments a été transmise jusqu'au xviiie siècle par les philosophes et les alchimistes (tetrasomia) ; mais Jan Baptist Van Helmont (1579-1664), mi-chimiste, mi-alchimiste, est amené à considérer qu'il y a plusieurs espèces de « fluides élastiques », auxquels il a donné le nom de gaz (du mot flamand ghoast). Toute une « science des gaz » ou « pneumatique » s'est développée pendant le xviie siècle avec Torricelli (1608-1647), Pascal (1623-1662), Otto von Guericke (1602-1686), R. Boyle (1627-1691), E. Mariotte (1620-1684) et d'autres. « On n'aurait jamais pensé à cet élément, écrit le célèbre chimiste Boerhaave, si l'on n'avait pas observé la résistance qu'il offre au mouvement des corps présentant un grand volume [...]. C'est donc un fluide résistant au mouvement, mais qu'il est difficile de connaître parfaitement, car, à cause de sa subtilité, il n'affecte que très peu nos organes. » L'air est donc considéré comme un fluide subtil contenant beaucoup de corpuscules d'espèces différentes et hétérogènes. Il semble même contenir de l'or ! Il pénètre les pores de tous les solides sans « se coaguler » avec eux ; il suffit de « détruire les prisons où il est retenu » pour qu'il en ressorte sans avoir subi aucun changement. Au milieu du xviiie siècle, Buffon écrivait encore : « Nous ignorons actuellement quelle est la figure des parties constituantes des corps ; l'eau, l'air, la terre, les métaux, toutes les matières homogènes sont certainement composées de parties élémentaires semblables entre elles, mais dont la forme est inconnue. » Dans son livre Vegetable Staticks, Stephen Hales ne rapporte pas moins de cent vingt-quatre expériences sur l'air et les fluides et montre que les propriétés physiologiques de l'air sont variables suivant les cas, bien qu'il obéisse toujours à la loi de Boyle-Mariotte ; il considère donc que l'air existe sous deux formes différentes : l'« air élastique » et l'« air fixe », ou « air permanent ». Pour la première fois, on commence à recueillir l'air dans des flacons pleins d'eau renversés sur une cuve à eau (on utilisera ensuite le mercure), mais ce n'est qu'en 1753 que Joseph Black (1728-1799) démontre que l'air fixe de Hales n'a pas les mêmes propriétés que l'air ordinaire et qu'il est identique au « gaz Silvestris » de Van Helmont, c'est-à-dire à notre dioxyde de carbone (CO2), libéré pendant les fermentations. Mais la chimie des gaz est difficile ; et, quand Scheele (1742-1786) et Priestley (1733-1804) préparent, peu avant Lavoisier, l'« air du feu », ils pensent qu'il s'agit d'une combinaison de phlogistique et d'eau ; de même, en préparant l'oxygène par calcination de l'oxyde de mercure, Priestley pense avoir isolé l'« air déphlogistiqué » (protoxyde d'azote), tandis que l'« air phlogistiqué » (notre azote), dégagé pendant la combustion, ne peut entretenir le feu. À cet air déphlogistiqué « éminemment respirable » Lavoisier a donné le nom d'oxygène, pensant qu'il était le[...]
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Écrit par
- Georges KAYAS : maître de recherche au CNRS, physique corpusculaire
Classification
Média
Autres références
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ANAXIMÈNE DE MILET (env. 550-env. 480 av. J.-C.)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 566 mots
Né vers 556 av. J.-C., mort vers 480 av. J.-C., ce philosophe grec est l'un des trois représentants de l'école de Milet, considérés comme les premiers philosophes de l'Occident. Si Thalès tient pour acquis que l'eau est l'élément essentiel de toute matière, Anaximandre, son élève, dénomme la substance...
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CHIMIE - Histoire
- Écrit par Élisabeth GORDON , Jacques GUILLERME et Raymond MAUREL
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...volumes libérées ; ses expériences ne furent pas un gain pour la théorie moderne des éléments. Il pensait, comme le rappelle Lavoisier, que c'« était l' air lui-même, celui de l'atmosphère, qui se combinait avec les corps, soit par l'opération de la végétation et de l'économie animale, soit par les opérations... -
ÉLÉMENTS THÉORIES DES
- Écrit par René ALLEAU
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Le pluriel latin elementa désignait, le plus souvent, les « quatre éléments » : le Feu, l'Air, l'Eau et la Terre (cf. Sénèque, Naturales Quaestiones, III, 12 ; Cicéron, Academica, I, 26) et le singulier elementum, d'un usage bien plus rare, l'un des « quatre éléments » (cf....
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- Écrit par Clémence RAMNOUX
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Anaximène a choisi l'Air. Ce souffle primordial est conçu comme à la fois divin, fécondant, et sans doute pensant. Telle une feuille flotte sur les vents de l'automne, ainsi la terre est emportée sur les courants de l'Air-Esprit. Nous sommes un peu mieux renseignés par la suite, parce qu'on fait à Anaximène...