AIR, musique
Airs de cour et de concert
L'air de cour
Ce terme n'a guère été employé qu'en France et pour désigner, à partir de la seconde moitié du xvie siècle, toutes sortes de pièces chantées, à l'exclusion, toutefois, de celles qui étaient strictement destinées à l'église, à la prière, et des chansons à boire, sans doute jugées trop vulgaires. L'air de cour devait, en effet, avoir un aspect galant et mondain (d'où son nom). Cependant, des pièces de caractère populaire furent fréquemment ennoblies par des musiciens « de cour » et ainsi élevées à la dignité d'airs, à l'exception de celles qui étaient destinées à la danse. Nous voyons là un trait commun à l'air chanté et à l'air purement instrumental. Au fur et à mesure que le genre perd de sa rigueur, apparaissent, paradoxalement, des airs dits « à danser », ce qui, en soi, semble être un contresens. L'air de cour connut une période très florissante dans la première moitié du xviie siècle avec des compositeurs comme Pierre Guédron, Antoine Boesset ou Étienne Moulinié. Vers la fin du même siècle, le terme tombe en désuétude. Mais, simultanément, l'air d'opéra prend une importance plus grande. Ce n'est sans doute pas un hasard si l'air de cour disparaît au moment où les opéras de Lully occupent une place prédominante dans la vie musicale. Il est alors progressivement remplacé par l'air dit « sérieux », ainsi nommé par opposition à l'air dit « à boire », car les chansons à boire se trouvent, elles aussi, promues à un rang musical élevé. Cette transformation de l'air de cour est très rapide et semble même brutale lorsqu'on atteint l'année 1660. Ainsi, chez le même éditeur (Ballard, à Paris), voit-on la publication d'un recueil et d'une collection dont les titres respectifs sont significatifs. Le recueil s'appelle Airs de différents auteurs et est publié à partir de 1658 en trente-huit livraisons. De toute évidence, il s'agit d'airs de cour, le plus généralement écrits pour deux voix. La collection, dont la publication commence en 1662 et se poursuit au-delà de 1700, est intitulée Airs sérieux et à boire. Les airs qui y figurent sont d'allure beaucoup plus disparate et montrent la dégénérescence qui annonce la disparition de l'air de cour en tant que genre. À partir de la fin du xvie siècle, tout particulièrement en Italie et sous l'influence de Vincentio Galilei, on commença à accorder la préférence à la mélodie accompagnée sur le contrepoint polyphonique. Presque simultanément, à l'initiative, pense-t-on, d'un certain Viadana, apparut une technique d'écriture musicale dite « basse chiffrée » (ou basse continue). Cette technique, excluant l'usage des mélodies simultanées et privilégiant la mélodie unique posée sur des accords écrits de manière presque sténographique, ne pouvait que contribuer à l'épanouissement d'une musique fondée sur la mélodie seule, soutenue par des accords simplement frappés.
On peut sans doute imaginer que l'air de cour et les airs des premiers opéras ont été les racines communes de ce qui, au xviiie siècle, devient l'air de concert.
L'air de concert
D'après Hugo Riemann, ce serait Alessandro Scarlatti qui aurait, en 1693, dans son opéra Teodora Augusta, introduit le premier de véritables airs (aria da capo) dans lesquels le travail de composition tendait à un juste équilibre entre la variété et l'unité. Mais, dans l'air de cour, déjà, certaines mélodies assez simples avaient été volontairement enjolivées ou compliquées pour mettre en valeur l'habileté, et même la virtuosité des chanteurs. De tels airs, destinés avant tout à être brillants, existent donc avant Teodora Augusta. Ils sont ce que l'on a[...]
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Écrit par
- Michel PHILIPPOT : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
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