AIR, musique
L'air dans l'histoire de la musique
Étant donné son absence de forme spécifique et rigoureuse, telle qu'en ont eue d'autres types musicaux, en raison également de la liberté dont ont usé les compositeurs de toutes les époques pour adapter aux circonstances qui leur convenaient des pièces nommées « air », il est difficile d'assigner à ce terme un contenu aussi précis que nous le désirerions. Il est aussi difficile de découvrir la filiation qui relie les premiers airs instrumentaux aux airs de cour et de suivre le chemin qui mène à l'air d'opéra et de concert, dont la fin du xviiie siècle voit l'épanouissement. Le seul trait caractéristique qui soit commun à toutes les sortes d'airs ici décrites est le respect d'une suprématie de la ligne mélodique. Aussi ne voit-on l'air apparaître et fleurir qu'à partir de l'époque où la conception de la polyphonie tend, elle-même, vers celle d'une mélodie accompagnée, permettant le libre épanchement de l'expression dramatique.
On voit ainsi combien il est difficile de donner du mot « air » une définition qui soit à la fois unique et complète. Il est même arrivé, à certaines époques, et principalement pendant le xixe siècle, que l'on désigne par « air » toute sorte de musique, voire, dans certains cas, la musique elle-même. C'est ainsi que Littré signale l'expression « n'être pas dans l'air » comme à peu près synonyme de « faire des fausses notes », et que, dans le langage populaire, on parlait aussi bien de « grands airs » que de « grande musique ». Encore de nos jours, il arrive que, toujours dans le langage populaire, on dise d'une musique, trop complexe pour être immédiatement comprise et retenue par la mémoire, qu'« elle ne contient pas d'airs ». Remarquons également que, souvent, on oppose l'air à l'accompagnement. Dans cette opposition, il faut sans doute voir davantage qu'une discrimination faite entre mélodie et harmonie, entre l'horizontal et le vertical, le consécutif et le simultané.
Il semble plutôt que, psychologiquement, l'emploi du mot « air » corresponde à l'apparition d'un sentiment musical, à une perception immédiate et primaire de la musique. Si l'on retient cette hypothèse, il devient possible d'imaginer tout ce qui, à l'intérieur du phénomène musical, est, a été, ou sera susceptible d'être qualifié d'air, à l'exclusion des autres aspects du phénomène musical. Nous retiendrons donc que, même s'il ne s'agit que d'une mélodie non accompagnée, cette dernière ne sera un « air » que dans la mesure où elle est suffisamment simple, que dans la mesure où elle est immédiatement perceptible en tant que telle. À l'inverse, une suite d'accords, même très simple, ne sera pas un « air », précisément à cause de cette simplicité, cette suite n'étant perceptible que comme enchaînement de sons impropres à éveiller suffisamment notre attention. Remarquons donc, à travers les multiples significations du mot « air », une sorte de permanence qui, tout bien considéré, les tient proches de celles que nous accordons au mot « musique ». Il est donc vraisemblable qu'une étude à la fois musicale et linguistique, par laquelle nous pourrions acquérir quelques connaissances plus approfondies, à la fois sur le contenu sémantique de ce mot et sur la nature exacte de ce contenu, soit propre à nous éclairer davantage, par extension, sur la nature du sentiment musical lui-même.
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Écrit par
- Michel PHILIPPOT : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
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