AIX-LA-CHAPELLE, histoire de l'art et archéologie
Aix connut son apogée quand Charlemagne s'y installa définitivement, en 794. Il entreprit alors la construction d'un vaste palais sur un plan régulier imité de l'Antiquité romaine. L'ensemble a malheureusement disparu, à l'exception de la célèbre chapelle. Les fouilles archéologiques sont impuissantes à en restituer le luxe, conçu à l'image de la cour byzantine, que Charlemagne voulait égaler. Il fit appel à tous les artistes et artisans de valeur de l'empire, importa des matériaux précieux de Rome et de Ravenne ainsi que des œuvres d'art antique.
Certains monuments conservés ailleurs peuvent donner une idée des principaux édifices du palais : la grande salle basilicale réservée aux cérémonies princières (la Königshalle, située au nord de la cour) reprend le parti architectural de la majestueuse basilique antique de Trêves (env. 310) ; l'entrée principale du palais, coupant le corridor qui reliait cette aula à la chapelle, devait ressembler à la Thorhalle de Lorsch imitant un arc triomphal romain. Beaucoup d'éléments antiques furent donc copiés ou réinterprétés, qui constituèrent un vaste répertoire classicisant caractéristique de cet art nouveau. Charlemagne réunit dans ce palais les esprits les plus brillants de son époque, qui, sous la direction d'Alcuin, formèrent une « académie », creuset intellectuel où s'élaborèrent les formes nouvelles de la renaissance artistique carolingienne.
La chapelle polygonale est, avec l'abbaye de Centula, la première et la plus grande réalisation de cet art. S'inspirant des chapelles impériales byzantines de plan centré à vocation palatine et funéraire, elle réinterprète de manière originale ce vieux parti architectural, notamment par le voûtement, d'une exceptionnelle virtuosité. Combinant la voûte d'arête, le berceau transversal rampant et la coupole à fuseaux, qui reposent sur des arcs diaphragmes, des pilastres et des piles cruciformes, elle apporte des solutions que seule l'architecture gothique rendra caduques. Ces grandes entreprises stimulèrent la création artistique dans tous les domaines. Les portes de la chapelle et le parapet de la tribune prouvent l'activité d'un important atelier de bronziers, attachés aux modèles classiques qu'ils surent réaliser avec beaucoup de finesse.
C'est au palais que naît, sous le règne de Charlemagne, la peinture carolingienne. Dans une série de manuscrits enluminés, les artistes créent, sur des modèles orientaux et italiens, des formes nouvelles et un répertoire iconographique d'une grande richesse ; ces manuscrits exerceront une grande influence au Moyen Âge. On a rattaché aussi à ces ateliers des plaques d'ivoire sculptées, par analogie stylistique avec les manuscrits (diptyque du trésor d'Aix, plats de reliure de Narbonne, du Codex aureus, etc.). Pour ce qui est de l'orfèvrerie, E. G. Grimme (Aachener Goldschmiedekunst im Mittelalter, Cologne, 1957 ; Der Aachener Domschatz, Düsseldorf, 1972) a montré l'existence d'un atelier aixois qui a continué son activité jusqu'au xvie siècle. Car la production artistique de la ville ne s'arrête pas avec la dynastie carolingienne (sans tenir compte de l'influence des monuments aixois à l'époque ottonienne et des objets offerts au trésor, mais réalisés ailleurs). Deux choses ont assuré cette continuité : le développement de la légende de Charlemagne, renforcée par la canonisation de l'Empereur en 1165, qui fit d'Aix un lieu de pèlerinage important, et le couronnement des empereurs germaniques dans cette ville jusqu'au xvie siècle. Jusqu'alors, le trésor de la chapelle s'est enrichi de reliquaires de fabrication locale, dont les plus remarquables sont de l'époque des Staufen (reliquaires de Charlemagne, de la Vierge, etc.) ; la[...]
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Écrit par
- Noureddine MEZOUGHI : assistant d'histoire de l'art du Moyen Âge à l'université de Paris-I, Panthéon-Sorbonne
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