AJAṆṬĀ
La sculpture classique à Ajaṇṭā
Le décor architectural
Les grottes du style Gupta-Vākāṭaka diffèrent des grottes archaïques par le décor. (Mais, rappelons-le, lorsqu'il s'agit de vihāra, le plan nouveau est plus complexe que l'ancien puisqu'il comporte, précédée d'une véranda, une grande salle hypostyle sur laquelle s'ouvrent une chapelle et un nombre accru de cellules.) Transformés ou associés à des éléments divers, les thèmes architectoniques issus de l'imitation des charpentes sont devenus méconnaissables. Sur les façades, autour des portes, le long des larmiers et des frises, sur le fût des colonnes, les chapiteaux et les soutiens d'entablement, se juxtaposent des motifs, traditionnels, mais rénovés, où à l'élément végétal dominant se mêlent l'humain et l'animal. La répétition de certains thèmes, en des points déterminés des monuments, ne laisse aucun doute sur leur valeur symbolique et rend plausible l'hypothèse d'une hiérarchie du décor.
L'image cultuelle
Ajaṇṭā est le seul site au cœur de l'Inde ancienne où le Mahāyāna s'exprime dans l'art sur plusieurs registres simultanément. Les tendances de la sculpture traduisent alors une approche du Bouddha bien différente de celle de l'ancienne école qui ignorait la figuration du Bienheureux dans sa dernière existence terrestre, et qui donnait la prééminence à la représentation du stūpa, symbole de l'entrée du Maître dans le Nirvāna et, comme tel, pivot de la liturgie. La notion de l'icône, avec son appareil de conventions, a commencé de s'imposer au ier siècle de notre ère en Inde. Mais c'est aux artistes de la période Gupta qu'il appartient d'idéaliser l'image du « Grand Homme » et de rendre sensible sa supériorité sur les dieux eux-mêmes.
Deux observations quant au tournant qu'impriment les docteurs à la signification de l'image de culte et dont Ajaṇṭā rend parfaitement compte :
Dans les caitya nos 19 et 26 au plan absidal traditionnel le stūpa conserve sa position centrale mais on lui associe une effigie du Maître. Cette association constitue peut-être un compromis entre deux traditions antérieures à la période Gupta : celle du Nord-Ouest aux nombreux stūpa décorés d'images de Gautama, celle d'Amarāvatī et de Nāgārjunikoṇḍa qui plaçait devant le monument, face aux points cardinaux, des statues du Sage en méditation (S. L. Weiner).
Au fond des vihāra nouvelle formule, un Bouddha colossal occupe la chapelle qui y a été ménagée. Il fait le geste de la prédication et c'est probablement à Ajaṇṭā que, en Inde proprement dite, on représente ce geste pour l'une des toutes premières fois. On trouve deux types d'images : ou bien le Bouddha est dans l'attitude de la méditation, et la sculpture appartient à la phase moyenne de l'activité mahāyānique d'Ajaṇṭā comme semble l'indiquer un faisceau d'indices concomitants dans les vihāra 1 et 2 ; ou bien le Bouddha est assis « à l'européenne » sur un trône royal « aux lions », et alors la sculpture se situe à une phase ultérieure (vihāra 16, 17 et 22). Dans la chapelle du no 16 (qui, décidément, paraît occuper une place charnière tant en ce qui concerne l'architecture rupestre de style Gupta-Vākāṭaka que les conceptions relatives à l'image de culte) on peut accomplir le tour de la statue, tel qu'il s'effectuait rituellement autour du stūpa. C'est ce second type de Bouddha enseignant qui se détache (avec tout les éléments iconologiques touchant la fonction royale) à l'avant du stūpa dans le caitya 26 (au même endroit, dans le caitya 19, figure un Bouddha debout) ce qui permet d'affirmer l'antériorité de l'image ; on le retrouve, sculpté tardivement, sur la façade[...]
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Écrit par
- Rita RÉGNIER : chargée de recherche au CNRS, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
Média
Autres références
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GUPTA EMPIRE
- Écrit par Rita RÉGNIER
- 3 281 mots
- 3 médias
Dans l'art bouddhique classique, le site d'Ajaṇṭā, au Mahārāshtra, occupe une place de choix, avec ses grottes parées de riches sculptures et d'un ensemble incomparable de fresques (ve-vie s. env.) illustrant les vies antérieures du Bienheureux et des épisodes de son ultime existence terrestre.... -
INDE (Arts et culture) - L'art
- Écrit par Raïssa BRÉGEAT , Marie-Thérèse de MALLMANN et Rita RÉGNIER
- 49 040 mots
- 67 médias
...musiciens, et firent force emprunts au répertoire dramatique. C'est ainsi que le groupement des personnages, la traduction plastique des situations et des sentiments et une multitude d'autres traits apparaissent dans la fresque d'Ajaṇṭā comme des réminiscences du théâtre de Kālidāsa.