AKINARI UEDA (1734-1809)
L'œuvre d'Akinari
Pour la postérité, Akinari est avant tout l'auteur des Contes de pluie et de lune (Ugetsu-monogatari). Dans ces neuf Contes fantastiques de jadis et naguère, il rompait délibérément avec le style et la manière des ukiyo-zōshi inaugurés au siècle précédent par Saikaku, et auxquels il avait lui-même sacrifié dans ses deux recueils de 1766 : Le Singe mondain à l'écoute sur tous les chemins (Shodō Kikimimi seken-zaru) et Caractères de femmes entretenues (Tekake Katagi). À la construction elliptique et au rythme rapide, voire heurté, des ukiyo-zōshi, inspirés de la technique du haikai, il substituait une période plus ample, un ton plus soutenu suggéré par l'étude de la langue des grands classiques de l'époque de Heian et de la métrique des waka. On reconnaît au passage l'influence du Man.yō-shū, du Genji-monogatari, des épopées du xiiie siècle, des livrets du nō. Certains de ces contes sont transposés du chinois, mais avec une perfection telle que rien, sinon le canevas, ne subsiste de l'original. Avec l'Ugetsu, Akinari avait d'emblée découvert un style qui renouait avec les plus grandes époques du passé, et qui pour plus d'un demi-siècle s'imposera à toute la littérature romanesque du Japon ; un genre nouveau était né, celui des yomi-hon qu'illustra Bakin (1767-1848)
Les Contes des pluies de printemps (Harusame-monogatari), recueil posthume rédigé dans les dernières années de sa vie, inachevé, et dont près de la moitié vient seulement d'être retrouvée, contiennent, à côté de récits historiques ou fantastiques dans la manière de l'Ugetsu, des pièces dont la trame sert uniquement de prétexte à des discussions poétiques.
L'analyse critique de la poésie ancienne était en effet la préoccupation majeure d'Akinari, et l'essentiel de son œuvre philologique consiste en éditions critiques et analyses des anthologies classiques, principalement du Man.yō-shū. Tel est le thème de son œuvre maîtresse, Poudre d'or (Kinsa, 1804), en dix livres.
Lui-même avait du reste composé un grand nombre de waka, cherchant, par-delà le « maniérisme » des anthologies du Moyen Âge, à retrouver la spontanéité du Man.yō-shū ; l'essentiel en est réuni dans le recueil intitulé Tsuzura-bumi, en six livres (1806)
À noter encore son exégèse de l'Ise-monogatari, parue en 1793, qui reprend et complète les travaux de son maître Katō Umaki. La critique littéraire proprement dite est représentée par les Notes téméraires et circonspectes (Tandai-shōshin-roku, 1808), suite de remarques incisives et dépourvues d'aménité sur divers auteurs, ses contemporains pour la plupart ; s'il étrille, là comme ailleurs, son ennemi personnel, le fameux Motoori Norinaga (1720-1801), avec qui il avait polémiqué sa vie durant, il s'y dépeint lui-même sans ménagement ; de l'ensemble se dégage un ton que l'on pourrait presque dire voltairien.
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Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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Aussi bon philologue que Motoori, mais s'intéressant davantage à la critique littéraire, fut Ueda Akinari (1734-1809). Mais sa renommée doit plus à un seul recueil de contes qu'à la somme de ses travaux. Dans sa jeunesse, il avait publié quelques ukiyo-sōshi ; cependant l'approche des classiques...