AKUTAGAWA RYŪNOSUKE (1892-1927)
Les chefs-d'œuvre des dernières années
La conception hautaine, pour ainsi dire absolue, de l'art qu'Akutagawa avait faite sienne jusqu'alors, pouvait satisfaire les exigences intellectuelles et, plus encore, esthétiques du créateur. Mais lui-même en percevait le danger et, peu à peu, il s'en détacha. En 1919, déjà, il avait tenté un premier essai en racontant un incident auquel il avait assisté dans le train par un soir d'hiver : Les Mandarines (Mikan) ; en 1923, il reprenait des fragments de sa vie quotidienne dans les Feuillets du carnet de Yasukichi. Dès lors, sa manière change profondément. De son expérience ou de son observation immédiate, il tire ses récits les plus simples et les plus troublants : Bords de mer (Umi no hotori, 1925), Mirages (Shinkirō, 1926), La Villa Genkaku (Genkaku Sambō, 1927). Sa réflexion devient plus mordante, mais aussi plus philosophique. Et cet homme qui, de son propre aveu, s'était refusé à « connaître la vie autrement qu'à travers les livres », entreprend son autobiographie : d'abord dans La Moitié de la vie de Daidōji Shinsuke (Daidōji Shinsuke no hansei), puis dans ses derniers écrits, telle La Vie d'un idiot, où il évoquait, en d'éblouissants croquis instantanés de trois à dix lignes, ses intuitions et ses souvenirs les plus précieux.
Ce prosateur virtuose n'a jamais abordé le genre romanesque. Lui-même, à la fin de sa vie, s'affirmait « poète ». Seule, une forme brève lui permettait d'atteindre à une certaine perfection de la langue et de traduire alors ses pressentiments, ses obsessions, ce monde incertain et menaçant aux limites de la conscience. Prodigieux auteur de nouvelles, Akugatawa est entré dans la littérature mondiale du xxe siècle comme un maître du fantastique.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Jacques ORIGAS : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification