AKHṬAL AL- (640 env.-env. 709)
« Le Disert », sobriquet sous lequel est resté célèbre Ghiyāth b. Ghawth b. al-Ṣalt, l'un des panégyristes les plus représentatifs du genre sous les Umayyades de Damas.
Al-Akhṭal appartenait à la tribu des Taghlib qui nomadisait sur l'Euphrate moyen et jusqu'en Djazīra et était restée de confession chrétienne. Il naquit soit à Ḥīra, en basse Babylonie, soit à Ruṣāfa (l'ancienne Sergiopolis). Sa vie durant, al-Akhṭal demeura fidèle au monophysisme. Son adolescence semble s'être écoulée en Djazīra, ce qui fit de lui un poète de tribu. Sous le calife umayyade Mu‘āwiya (de 661 à 680), al-Akhṭal est admis dans le milieu gouvernemental. Sous Yazīd Ier, en 680, il fait son entrée en composant des pièces satiriques contre le parti des Anṣār de Médine, geste sacrilège, car il visait les descendants de ceux qui avaient embrassé la cause de Mahomet lors de son émigration à Médine, en 622. Soutenu par le calife, al-Akhṭal décidait de son option politique et marquait son attachement à la dynastie régnante. Le poète prenait en effet position dans le long conflit tribal qui devait opposer des groupes se donnant une origine sud-yéménite à d'autres tribus qui se réclamaient d'une généalogie nord-arabe. Al-Akhṭal sut se réserver des intelligences dans chaque parti.
Chantre des souverains, al-Akhṭal sert aussi les intérêts de sa tribu. Dans les luttes sans merci contre les Bakr de Mésopotamie, par exemple, il révèle tout ce qui subsiste en lui d'atavisme bédouin et d'esprit de clan. Sous le calife ‘Abd al-Malik (de 685 à 705), al-Akhṭal connaît l'apogée de son crédit à la cour de Damas. Sous al-Walīd Ier, la disgrâce se produit ; elle pourrait s'expliquer par l'ascension de Djarīr, ennemi d'al-Akhṭal. Miné, peut-être par le vin et la débauche, le poète disparaît en Djazīra, au sein de sa tribu.
De l'œuvre d'al-Akhṭal ne subsiste qu'une faible partie, une soixantaine de pièces et fragments, soit environ deux mille vers. L'explication de ce fait peut être trouvée d'une part dans le déclin définitif, au ixe siècle, des Taghlib qui n'étaient plus là pour conserver l'œuvre poétique de leur illustre parent, d'autre part et surtout dans la tendance constante des philologues irakiens à se détourner de la production d'œuvres en vers étrangères au vrai domaine de l'arabisme. Les poèmes d'al-Akhṭal conservés sous son nom sont pour la plupart construits en forme de qasīda avec prologue érotico-élégiaque ou sapiential. Les seuls mètres utilisés sont les cinq grands mètres connus des nomades du désert arabique depuis le vie siècle. Les pièces sont monorimes. La langue et les clichés appartiennent, eux aussi, au vieux fonds bédouin. Tout aussi caractéristiques sont les genres auxquels al-Akḥtal est attaché : l'élégie, le panégyrique et la satire.
La première est représentée par les éléments thématiques qui servent d'introduction (nasib) aux pièces en forme de qaṣīda ; le thème fondamental est constitué par des notations liées à la transhumance et à la séparation qui en résulte pour les êtres qu'a touchés l'amour ; ses références à la vie au désert sont constantes mais, le plus souvent, réduites à des clichés ; là s'épanchent cependant une sensibilité et des appels qui sont à l'origine de la poésie courtoise telle qu'elle fleurit chez les Ḥidjāziens et plus tard chez l'Irakien al-‘Abbās ibn al-Aḥnaf. Dans l'œuvre d'al-Akhṭal, le genre laudatif est à trouver dans les développements qui suivent le prologue érotico-élégiaque ; ceux-ci occupent une place prépondérante dans l'ensemble de l'œuvre. Si l'éloge porte sur un haut personnage, les traits qui dominent sont ceux qui rappellent les vertus cardinales du héros arabe : la noblesse des ancêtres, la gloire personnelle, la générosité, la magnanimité[...]
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Écrit par
- Régis BLACHÈRE : professeur à l'université de Paris-I, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Autres références
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ARABE (MONDE) - Littérature
- Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH , Hachem FODA , André MIQUEL , Charles PELLAT , Hammadi SAMMOUD et Élisabeth VAUTHIER
- 29 245 mots
- 2 médias
...qui fait du panégyrique et de la satire deux formes de la même inspiration. Les grands fondateurs de cet exercice furent au premier siècle le chrétien al-Aẖṭal, Ǧarīr et al-Farazdaq, trio célèbre pour les violentes diatribes (dites naqā'id) que ses membres échangèrent. Il faut citer à...