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ASH‘ARĪ ABŪ L-ḤASAN ‘ALĪ BEN ISMĀ‘ĪL AL- (874 env.-935)

Fondateur de l'école de théologie musulmane à laquelle se sont ralliés la majorité des sunnites. Né à Baṣra, mort à Baghdād, al-Ash‘arī, d'abord disciple d'al-Djubbā'ī, quitte le mu‘tazilisme vers 912, à la suite de trois visions qu'il aurait eues du Prophète. Il aurait compris qu'il lui était ordonné d'allier la tradition et la théologie spéculative (kalām). C'est bien, en tout cas, cette tentative qui caractérise son œuvre.

Contre la doctrine mu‘tazilite selon laquelle Dieu fait toujours le meilleur (aṣlaḥ), al-Ash‘arī aurait proposé à son maître le cas de trois frères dont l'un vit et meurt dans l'obéissance, le deuxième dans la désobéissance, tandis que le troisième meurt tout enfant. Le premier va au paradis, le deuxième en enfer ; le troisième n'obtient ni récompense ni châtiment ; aussi demande-t-il à Dieu pourquoi il ne l'a pas laissé vivre : par l'obéissance à la Loi, il aurait pu entrer au paradis. Dieu lui répond, selon les mu‘tazilites, qu'il sait que, s'il avait vécu, il serait allé en enfer ; il valait donc mieux pour lui mourir enfant. Alors le deuxième dit à Dieu : « Si tu m'avais fait mourir enfant, je ne serais pas entré en enfer. » Que répondra Dieu ? Al-Djubbā'ī ne sait que dire.

Al-Ash‘arī, s'étant ainsi séparé des mu‘tazilites, subit d'abord l'influence de la doctrine ḥanbalite, qui est la plus littéraliste et s'oppose violemment à l'autonomie de la raison et à toute doctrine philosophique étrangère à la révélation islamique. À cette époque, il admet le bien-fondé d'une théologie dans la mesure où elle est destinée à combattre l'erreur. Ghazālī reprendra ce point de vue. Il est possible que, tout en se structurant chez le maître et chez ses disciples, le kalām ash‘arīte ait gardé un peu de cette conception minimiste, essentiellement défensive, de la théologie.

L'ash‘arīsme est surtout une théorie de conciliation entre l'anthropomorphisme des uns et le rationalisme des autres : c'est le juste milieu (iqtiṣād) dont parlera Ghazālī. Entre la doctrine du Coran incréé, qui étend l'éternité aux sons émis par la voix du lecteur, aux feuillets qui portent le texte, à l'encre qui l'écrit et, d'autre part, la doctrine mu‘tazilite du Coran créé, al-Ash‘arī enseigne que le Coran est incréé et éternel en tant que Parole divine, c'est-à-dire en tant qu'attribut de Dieu. Entre la doctrine de la création des actes humains et celle de la liberté d'agir, il soutient que Dieu crée les actes en créant dans l'homme le pouvoir de les faire. Entre la conception anthropomorphique des attributs de Dieu et leur négation par leur réduction à l'essence divine, al-Ash‘arī déclare que les attributs ne sont pas Dieu et ne sont pas autre chose que Dieu.

Ce juste milieu suppose un équilibre qu'al-Ash‘arī garde difficilement. Il semble souvent pencher vers les doctrines des ḥanbalites les plus littéralistes. Mais c'est là un idéal qu'après lui on cherchera à réaliser avec plus de cohérence logique. Les grands noms de l'ash‘arīsme, Bāqillānī, Djuwaynī, Ghazālī, témoignent de la fécondité de cette position théologique.

— Roger ARNALDEZ

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  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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