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BAKRĪ AL- (1040-1094)

Le plus grand géographe, avec Idrīsī, de l'Occident musulman « et l'un des représentants les plus caractéristiques de l'érudition arabo-andalouse au xie siècle » (Lévi-Provençal). Par son père, Abū ‘Ubayd ‘Abd Allāh al-Bakrī appartient à l'Espagne des ṭa‘īfa, ces principautés surgies de la chute du califat umayyade de Cordoue (sur la fin de sa vie, il verra l'Espagne musulmane de nouveau réunifiée sous la dynastie des Almoravides). Au milieu de ces convulsions politiques, la vie d'al-Bakrī semble s'être écoulée sans heurt majeur, sans aucun voyage en dehors de l'Espagne ; elle fut toute vouée à l'étude d'abord, puis à l'érudition et à la rédaction de nombreux volumes ; quand il meurt, très âgé, al-Bakrī fait figure de savant complet.

Sans parler de ses dons littéraires et même poétiques, il s'est illustré comme théologien, comme philologue et critique, comme botaniste enfin. Mais c'est son œuvre géographique qui lui a valu de passer à la postérité. Elle consiste en deux livres, dont, à vrai dire, le premier se situe aux confins de la géographie en tant que telle : le Dictionnaire des mots indécis (Kitāb al-Mu‘djam māsta‘djam ; éd. all. F. Wüstenfeld, Das geographische Wörterbuch, Göttingen, 1876-1877) est en fait un répertoire de toponymes de l'Arabie qui ont soulevé des controverses dans la critique de la poésie ancienne ainsi que dans la littérature de la tradition (ḥadīth) ; seule l'introduction, qui trace un tableau de l'Arabie et de ses tribus, pourrait être considérée comme du domaine de la géographie. En réalité, l'intérêt de l'ouvrage est ailleurs : outre la contribution qu'il apporte à la toponymie et à la lexicographie, il reste symptomatique du souci de l'Espagne musulmane de ne pas rompre les ponts avec cette Arabie lointaine dont les dirigeants se prétendent les héritiers directs.

L'œuvre essentielle d'al-Bakrī reste, pour la postérité, son Livre des routes et des royaumes (Kitāb al-Mamālik wal-l-masālik).

Achevé en 460 (1068), le livre, selon une des plus vieilles traditions de la géographie arabe, celle qu'inaugura Ibn Khurradādhbeh, de l'œuvre duquel il reprend le titre, veut être un tableau des États et des itinéraires. En fait, au-delà de la nomenclature, il s'agit d'une description du monde connu à l'époque d'al-Bakrī. Loin de se limiter au monde de l'Islam, l'auteur donne une série de renseignements sur l'Europe de son temps ; ainsi les fragments sur les Slaves ont plus d'une fois, de ce point de vue, retenu l'attention des historiens.

Il est peut-être téméraire de porter un jugement sur une œuvre encore aussi mal connue et éditée, et dont l'original a sans doute été fort maltraité. Mais on peut affirmer que la partie essentielle du livre reste celle-là même que nous connaissons le mieux (ou le moins mal), à savoir les passages qui traitent de l'Afrique du Nord et de l'Afrique occidentale. En jugeant l'œuvre d'après ces passages et d'après d'autres, ceux qui concernent les Slaves, par exemple, on peut se faire une idée des méthodes d'al-Bakrī et de la portée du Kitāb al-Mamālik wa-l-masālik.

Contrairement à nombre de ses devanciers, ce n'est pas sur le voyage qu'al-Bakrī fonde sa description du monde mais uniquement sur l'érudition. Or celle-ci est de qualité. L'auteur a compulsé non seulement la littérature géographique devenue en son temps classique, mais des documents d'archives et, surtout, pour ce qui touche à l'Occident, musulman ou chrétien, des auteurs dont le Kitāb al-Mamālik wa-l-masālik nous a conservé de larges extraits : al'‘Udhrī, al-Warrāq, le Juif espagnol Ibrāhīm ibn Ya‘qūb, auteur d'une relation de voyage en Europe occidentale[...]

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  • ARABE (MONDE) - Littérature

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    ...connaissance désormais figée et le tribut trop lourd payé au merveilleux. Plus intéressants, et plus sérieux, sont les dictionnaires géographiques, avec al-Bakrī (mort en 1094) – par ailleurs le seul à prolonger, dans un autre ouvrage, quelques-uns des traits de l'école moribonde de la mamlaka...