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MUTANABBĪ AL- (915-965)

On peut dire de la poésie arabe classique qu'elle a cessé d'évoluer dès le iiie siècle de l'hégire (ixe siècle de l'ère chrétienne). Les grands monuments de la production archaïque, notamment les mu‘allaqāt ont imposé des normes qui seront, dans l'ensemble, respectées pendant plus d'un millénaire. Recensés, mis par écrit et souvent retouchés par les érudits du iie siècle, ils sont le fondement d'une poétique qui caractérise fortement la culture arabe. Les œuvres de grands créateurs du iie siècle tels que Baššār b. Burd, al-‘Abbās b. al-Aḥnaf, Abū Nuwās ouvrent à la création des voies nouvelles. Ils adoptent un langage et une écriture propres à traduire le lyrisme d'une sensibilité moderne. Leur tentative n'échoue pas : elle ne trouve pas de successeurs qui tirent les leçons de leur expérience. Leurs audaces et leur originalité vont se diluer dans les formes de poésie légère, élégante et raffinée, mais sans génie ni vigueur, que pratiquent d'aimables paroliers de salon.

Par contre, la poésie d'apparat, composée de panégyriques, de thrènes, de satires, etc., fait définitivement triompher un art classique mis au point par des hommes comme Abū Tammām, al-Buḥturī ou Ibn ar-Rūmī. Au ive siècle, al-Mutanabbī recueille leur héritage et les rejoint dans la gloire. Sa personnalité, son réel talent, sa maîtrise souveraine de la langue ont fait qu'il a toujours été considéré comme l'un des plus grands poètes des lettres arabes et très certainement comme le plus majestueux d'entre eux.

Du poète révolté au panégyriste de cour

Abū ṭ-Ṭayyib Aḥmad b. al-Ḥusayn al-Ǧu‘fī, dit al-Mutanabbī, ou l'« homme qui se prétend prophète », est né à Kūfa en 303/915, dans une famille très humble, originaire de l'Arabie du Sud. Le principal événement de sa jeunesse est la mise à sac de sa ville natale, en 312 puis en 316, par l'insurrection qarmate. Le qarmatisme, né dans les milieux alides de Kūfa vers la fin du iie siècle, est un mouvement sociopolitique dont l'idéologie marqua profondément le poète. D'une doctrine et d'une organisation complexes, on retiendra la volonté d'assurer le bonheur et l'égalité des hommes, le refus d'une direction héréditaire de la communauté musulmane, l'invocation d'un monisme divin qui annule l'idée de pratique religieuse. Niant le caractère divin des cultes, considérant que les religions donnent naissance à des castes et perpétuent l'injustice sociale, l'entreprise des Qarmates est, en ce sens, proprement révolutionnaire.

Aussi al-Mutanabbī va-t-il se libérer de dogmes « qu'il considère comme des instruments spirituels d'oppression ». Après un court séjour à Baġdād, il gagne la Syrie, reçoit l'appui d'une tribu bédouine, les Bani Kalb et se lance dans l'action insurrectionnelle. Ses mobiles et ses buts ne sont d'ailleurs pas très clairs, et il faut manier avec précaution les données concernant son activité.

Après quelques succès, il est fait prisonnier à Ḥimṣ en 322/933, emprisonné durant deux ans, puis libéré après avoir fait amende honorable. Il n'a encore que vingt et un ans. Il va se consacrer dès lors au métier de poète et mener une carrière de panégyriste que son caractère abrupt et son orgueil démesuré rendront difficile. Il s'attache ainsi au gouverneur de la Damascène, l'émir Badr al-H̲aršānī, en 328 ; connaît sa plus grande gloire en devenant le poète officiel du prince des Ḥamdānides d'Alep, Sayf ad-Dawla, jusqu'en 346/957 ; séjourne en Égypte sans se faire à la protection du régent iẖšidite Kāfūr ; revient à Bagdad en 350, mais subit l'hostilité des milieux littéraires de la cour ; se rend enfin en 354/965 chez le sultan des Buyides ‘Adūd ad-Dawla, et c'est en revenant de Širāz qu'il se heurte à un parti[...]

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  • ARABE (MONDE) - Littérature

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    ...suivis au cours de ce ve/xie siècle pourtant si fécond, car l'influence orientale redevint prépondérante, et le modèle universellement suivi fut al-Mutanabbī, dont le succès permanent est attesté par les commentaires de son Dīwān qu'ont élaborés des érudits andalous. Al-Mu‘tamid connaissait...