PACINO AL (1940- )
Théâtre contre cinéma ?
Quelles que soient les satisfactions apportées à Pacino par le cinéma, celui-ci est resté toute sa vie attaché au théâtre qui marqua sa jeunesse. Peu après la sortie du Parrain I, il déclarait : « J’aime jouer au théâtre et au cinéma, mais je ne suis pas dingue de films. […] Je ne pense pas nécessairement que la scène soit meilleure que l’écran. Je pense que c’est juste parce que je n’ai pas trouvé de véritable raison [en français dans le texte] pour faire des films » (cité par Andrew Yule). En 1975-1976, il joue à Boston La Résistible ascension d’Arturo Ui, de Bertolt Brecht, ainsi que The Local Stigmatic, de Heathcote Williams, à New York. Dans les années 1970 et 1980, il rassemble des troupes pour travailler sans but précis sur diverses pièces : Hamlet ; Dans la jungle des villes, de Brecht ; Le Singe velu, d’O’Neill. De ces expériences, nous connaissons surtout Looking for Richard, devenu un film en 1996. À la représentation du Richard III de Shakespeare se superposent diverses réflexions sur la manière de jouer la pièce et de la mettre en scène aujourd’hui. S’y ajoute le souvenir des rôles que Pacino lui-même a interprétés dans les films de De Palma, Coppola, Schatzberg… C’est sur le même principe que Pacino réalise en 2011 Wilde Salomé, d’après Salomé d’Oscar Wilde.
Au cours des années 2000, l’acteur répète à l’envi son personnage débordé : réalisateur affrontant une star « virtuelle » (Simone d’Andrew Niccol, 2002), fatigué (attaché de presse fantomatique qui n’y croit plus vraiment dans People I Know [Influences]de Daniel Algrant, 2002), ou encore engagé dans un combat pamphlétaire à la manière de Pollack ou Pakula, mais sans objet convaincant (The Recruit[La Recrue]de Roger Donaldson, 2003)... Ni les films ni l’interprétation, parfois caricaturale, de l’acteur ne surprennent. Il est significatif que l’adaptation du roman de Philip Roth The Humbling (en France, Le Rabaissement) par Barry Levinson (The Humbling[En toute humilité], 2014) a été un échec public et artistique. Ce personnage d’acteur vieillissant qui perd son talent après avoir triomphé dans Shakespeare ou Tchekhov semblait taillé sur mesure pour Pacino, mais le spectateur ne retrouve rien ici de la cruauté tragique du personnage de Simon Axler. Sous la direction de Martin Scorsese et au côté de Robert De Niro, il opérera néanmoins un magistral come back dans The Irishman(2019).
Au cours des années 2000, la carrière d’Al Pacino est également marquée par de nombreuses prestations. Dans la série Angels in America(2003), qui traite des problèmes moraux et humains posés par la propagation du sida aux États-Unis, Pacino touche et convainc aux côtés de Meryl Streep et Emma Thompson. Et si le biopic Phil Spector,plus juridico-policier, sur le producteur de musique légendaire (David Mamet, 2013, avec Helen Mirren) ne satisfait personne, You Don’t Know Jack (La Vérité sur Jack de B. Levinson, 2010), sur Jack Kevorkian, un des premiers à pratiquer l’euthanasie active, montre, au côté de Susan Sarandon, un Al Pacino qui retrouve sensibilité et mesure.
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Média
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