Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ASPECT ALAIN (1947- )

Démonstration de la pertinence de la mécanique quantique

Il choisit un sujet extrêmement risqué : éprouver les fondements de la mécanique quantique et éclairer le débat épistémologique entre Albert Einstein et Niels Bohr en étudiant le phénomène dit d’intricationd’une paire de particules.

Ce débat est connu comme la résolution du paradoxe EPR, un paradoxe explicité dans un court article écrit en 1935 par Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen : ces auteurs montrent que ce qu’ils appellent « une définition raisonnable de la réalité » implique qu’on ne peut accepter la description d’un couple de deux particules éloignées par une unique fonction d’onde, comme la mécanique quantique le prescrit. En 1964, le physicien irlandais John Bell (1928-1990) démontre que l’on peut soumettre ce débat à un test expérimental. En 1969, John Clauser (colauréat du prix Nobel 2022) et ses collaborateurs adaptent les idées de Bell au cas des photons et, en 1972, ils réalisent le premier test expérimental et observent un résultat favorable à la mécanique quantique, mais entaché de trop de biais pour qu’il close le débat. Le dispositif mis au point entre 1975 et 1981 par Aspect, deux ingénieurs et deux étudiants pour régler le problème est particulièrement ingénieux et précis. L’utilisation d’une source laser très intense, de polariseurs et de commutateurs distants de 12 mètres permettent une maîtrise considérablement accrue des conditions expérimentales. Le résultat publié en 1981 est rapidement salué comme décisif et valide la mécanique quantique en écartant définitivement l’interprétation des relations d’incertitude d’Heisenberg en termes de variables cachées. Soutenue en 1983, sa thèse d'État rassemble des résultats déjà internationalement célèbres. Ses travaux subséquents – avec son étudiant Philippe Grangier – éclaireront de plus la dualité onde-particule pour des photons uniques.

En 1985, Aspect est nommé directeur adjoint du laboratoire du Collège de France, associé à la chaire de physique atomique de Claude Cohen-Tannoudji (né en 1933) ; il participe au développement des techniques de refroidissement des atomes par laser, qui seront couronnées par le prix Nobel de physique 1997 de Cohen-Tannoudji. En 1992, Aspect est nommé directeur de recherches au CNRS et affecté au laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique. Comme de nombreux physiciens atomiques, il tente de réaliser un « condensat de Bose-Einstein », cette mélasse composée d’atomes ayant perdu toute individualité pour se fondre en un état unique comparable à un atome géant. Il ne gagnera pas la course, remportée en 1997 par une équipe américaine récompensée par le Nobel en 2001, mais son groupe sera néanmoins le premier à atteindre cet état avec des atomes d’hélium en 2001.

Correspondant (1995) puis membre (2002) de l’Académie des sciences, membre fondateur de l’Académie des technologies (2000), directeur de recherches au CNRS, Aspect collectionne les médailles et les prix internationaux tout en continuant d’enseigner à l’École polytechnique et à l’Institut d’optique (devenu IOGS, pour Institut d’optique GraduateSchool), désormais installé à Palaiseau et attaché à la nouvelle université Paris-Saclay. Partisan optimiste et volontariste d’une technologie quantique issue de l’utilisation d’états intriqués, il soutient des start-up fondées par certains de ses étudiants dans le but de réaliser un ordinateur ou un simulateur quantique. Comme le soulignait l’ancien président de l’Académie des sciences Édouard Brézin, Alain Aspect dégage aujourd’hui comme hier « le charme de la chaleur et de l’enthousiasme qui séduisent tant ses collègues et ses collaborateurs que ses étudiants ». Il espère d’ailleurs que le prix Nobel lui permettra de se faire écouter des politiques pour[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Média

Alain Aspect - crédits : Jean-François Dars/ Université de Saclay

Alain Aspect

Autres références

  • INTRICATION QUANTIQUE

    • Écrit par
    • 2 074 mots
    • 3 médias
    Les expériences menées de 1972 à 1982, parl'équipe d'Alain Aspect à l'Institut d'optique de l'université d'Orsay et d'autres chercheurs de par le monde ont validé le principe de l'intrication quantique. Depuis les années 2010, les chercheurs se sont ingéniés à réaliser des expériences...
  • SÉPARABILITÉ ET NON-SÉPARABILITÉ, mécanique quantique

    • Écrit par et
    • 1 347 mots
    • 3 médias
    ...atomes, donna un résultat plus net en faveur de la mécanique quantique. Mais c'est au début des années 1980 qu'une équipe de l'institut d'optique d'Orsay (Alain Aspect, Philippe Grangier, Gérard Roger, Jean Dalibard) mena à bien une série d'expériences montrant, de façon irréfutable, la violation des inégalités...
  • PRIX NOBEL DE PHYSIQUE 2022

    • Écrit par
    • 1 687 mots
    • 1 média

    Le prix Nobel de physique 2022 a été décerné à trois spécialistes de l’optique ayant mené depuis les années 1970 des expériences décisives de physique quantique, « avec des photons intriqués, établissant ainsi la violation des inégalités de Bell » : le Français Alain Aspect...

  • QUANTIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par
    • 5 273 mots
    • 6 médias
    ...que les variables restent locales). Des expériences du type Einstein-Podolsky-Rosen ont finalement été réalisées entre 1972 et 1982, principalement par Alain Aspect à l'Institut d'optique de l'université d'Orsay : compte tenu des inégalités de Bell, ces expériences tranchent définitivement en faveur de...