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BUFFARD ALAIN (1960-2013)

Alain Buffard fut sans doute le chorégraphe français le plus politique de sa génération et le premier à oser créer, en France, une pièce à teneur autobiographique sur le sida, Good Boy (1998).

On pourrait analyser toute l’œuvre d’Alain Buffard à partir de Good Boy, deuxième solo du chorégraphe (après Bleu nuit, en 1988) et matrice de toutes ses autres pièces. Y surgissent les thèmes qui vont se démultiplier en autant de variations devenues des chorégraphies indépendantes. Plus encore que les scènes marquantes de cette pièce – comme celle de l’enfilage d'une multitude de slips ou encore celle de la fabrication de talons hauts à l’aide de boîtes de médicaments antirétroviraux – ou ses déclinaisons qui jalonnent le parcours du chorégraphe (Good For, en 2002, reprenant Good Boy mais pour quatre interprètes ; puis Mauvais Genre, en 2003, pièce concue cette fois pour une vingtaine dedanseurs et de chorégraphes représentatifs des anciens et nouveaux courants de la danse française), se tissent d’autres trames, d’autres arrangements. Il y a le corps nu, traité comme une machine subtile dont on examinerait chaque articulation, ou la trouble exploration du sexe.

Un artiste imprévisible

Né en 1960 à Morez (Jura), Alain Buffard est un adolescent rebelle : lui qui aurait préféré être chanteur de rock fait le mur de la maison familiale et du lycée pour aller suivre son premier stage à la Grande Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, haut lieu de la toute « nouvelle danse » contemporaine. Plutôt que les études supérieures, qui représentaient une voie royale pour sa famille, il choisit la danse. Il est l’un des premiers étudiants du Centre national de danse contemporaine (C.N.D.C.) d’Angers, tout juste créé en 1978, où il suit les enseignements de l’Américain Alwin Nikolaïs puis ceux de Viola Farber, émule de Merce Cunningham.

Grâce à sa présence magnétique, à sa compréhension du mouvement et à son élégance, Alain Buffard devient vite l’un des interprètes les plus prisés de la « nouvelle danse » contemporaine française. Il danse, entre autres, chez Régine Chopinot, Daniel Larrieu, Philippe Decouflé et Brigitte Farges. Alain Buffard échappe pourtant toujours au cadre, aux définitions, à ce que l’on attend de lui. On le croit le meilleur danseur de sa génération, il décide d’arrêter la danse à la fin des années 1980. Il travaille alors dans la galerie d’art d’Anne de Villepoix – où il côtoie les œuvres des plasticiens Vito Acconci, Chris Burden ou Bruce Nauman – et devient correspondant de deux journaux norvégiens pour les arts visuels. On l’imagine alors perdu pour la danse, mais il y revient après avoir assisté aux répétitions du quatuor Albrecht Knust qui remonte, en 1996, avec Yvonne Rainer, Continuous Project Altered Daily. Entre-temps est passé le fléau du sida qui, au début des années 1990, sonnait comme un arrêt de mort.

Remettant totalement en question le modèle corporel esthétique et glorieux que véhicule le mouvement chorégraphique contemporain, Alain Buffard part aux États-Unis rencontrer la chorégraphe Anna Halprin qui anime alors des ateliers avec des personnes atteintes de maladies graves. Avec elle, il réalisera un film, My Lunch with Anna (2005). Ces rencontres le poussent, en 1998, à créer Good Boy et à fonder sa compagnie dénommée pi : es.

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

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