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BOISSIEU ALAIN DE (1914-2006)

« Ce sont ceux qui n'ont jamais voulu désespérer de la France qui l'incarnent ». Ces mots d'Alain de Boissieu saluant les cadets de Saumur à la BBC en 1942 devaient guider, soixante ans plus tard, le chancelier de l'ordre de la Libération pour les dix-sept allocutions qu'il eut à prononcer entre sa nomination le 26 septembre 2002 et sa mort, à Clamart, le 5 avril 2006. Son « Merci pour la France ! » lancé devant la dépouille de l'aumônier du commando Kieffer, le 17 janvier 2006, dans la cour des Invalides, le président de la République en a repris le sens pour saluer comme « un homme de devoir, généreux et respecté de tous », le général d'armée de Boissieu, compagnon de Leclerc, gendre du général de Gaulle, chef d'état-major de l'armée de terre de 1971 à 1975, puis grand chancelier de la Légion d'honneur jusqu'en 1981.

Né le 5 juillet 1914 à Chartres (Eure-et-Loir), Alain de Boissieu-Déan de Luigné, fils d'assureur, est saint-cyrien dans la promotion Soldat inconnu de 1936 à 1938, puis élève officier à l'école de cavalerie de Saumur. Il regrettera cependant la « trop forte proportion d'unités à cheval [rendant l'] armée de terre trop lente à manœuvrer au siècle de la motorisation » ; dans ses souvenirs, il déplore aussi qu'en 1940, le gouvernement et le commandement n'aient pas vécu « au rythme de l'action ». Capturé le 12 juin, il s'évade de l'Oflag II D l'année suivante, le 29 mars 1941, et gagne l'URSS. ; interné dans les camps soviétiques de Mitchourine et de Grazievitch, il fait partie des cent quatre-vingt-cinq Français aux allures de bagnards qui embarquent le 30 août 1941 à Arkhangelsk sur un bâtiment canadien et s'en vont rejoindre de Gaulle.

Patriote « se battant dans la coalition pour la liberté contre la dictature », le capitaine de Boissieu est chef du 3e bureau à l'état-major du général de Gaulle puis, fin 1942, aide de camp du haut-commissaire pour l'océan Indien. Affecté, le 1er avril 1943, à la Force L du général Leclerc, son ancien instructeur, il va suivre cette « figure magnifique de chef doublé d'un héros » jusqu'à Berchtesgaden. Il commande l'escadron de protection de Leclerc depuis la Normandie jusqu'à Paris, où il neutralise le palais du Luxembourg avec l'appui de l'infanterie FFI du colonel Fabien ; il rappelait souvent cet amalgame, de même que la présence de combattants espagnols dans la 2e DB.

Marié à Élisabeth de Gaulle le 3 janvier 1946, le chef d'escadrons de Boissieu part en Afrique noire ; breveté de l'École de guerre en 1955, colonel en 1958, il dirige le cabinet militaire du délégué général en Algérie. Paul Delouvrier et le général Challe apprécient son efficacité qui contribue à des succès militaires et au plan de Constantine. Confronté aux complicités criminelles des « porteurs de valises » qui alimentent en explosifs les auteurs d'attentats, il ne s'oppose pas aux méthodes d'interrogatoire des détachements opérationnels de protection ; mais, dans cette « période pénible pour la France et pour le général de Gaulle », il juge plus efficace la neutralisation des trafiquants d'armes par les services spéciaux.

Il commande en 1960 la brigade blindée à Saint-Germain-en-Laye, puis en 1964 l'école spéciale militaire de Saint-Cyr. Général de division en 1967, Alain de Boissieu informe son beau-père, au matin du 29 mai 1968, du loyalisme des armées, mais il jugera plus « déterminant » l'entretien de ce dernier et de Massu à Baden-Baden. Nommé grand chancelier de la Légion d'honneur en 1975, il démissionne de son poste en mai 1981 pour ne pas devoir introniser comme grand-maître – fonction réservée au chef de l'État – quelqu'un ayant « travaillé avec[...]

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Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

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