LIBERA ALAIN DE (1948- )
Alain de Libera compte parmi les plus grands historiens de la philosophie du Moyen Âge. Éditeur, traducteur (notamment de Thomas d’Aquin, Averroès, Maître Eckhart, etc.), auteur de monographies savantes, de commentaires, d’essais et de manuels, il est depuis 2013 professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’histoire de la philosophie médiévale. S’il porte sur des objets variés, mais tous interconnectés (la logique et l’ontologie catégoriale, la théorie de l’abstraction, le statut des universaux, Albert le Grand, la mystique rhénane, l’université médiévale et l’émergence d’un idéal philosophique, Averroès et l’averroïsme, l’articulation entre raison et foi, la psychologie et la philosophie de l’esprit, etc.), le travail d’Alain de Libera se caractérise par sa perspective générale, la longue durée, comme par sa méthode, qu’il nomme « archéologie philosophique ».
Une autre histoire de la philosophie médiévale
Né en 1948, Alain de Libera étudie au lycée Pasteur (Neuilly-sur-Seine), puis à la Sorbonne, où il obtient l’agrégation de philosophie en 1972. Il entre au C.N.R.S. en 1975, affecté au centre d’études des religions du livre que dirige alors Pierre Hadot. Il est élu en 1985 directeur d’études à l’École pratique des hautes études (histoire des théologies chrétiennes dans l’Occident médiéval, section des sciences religieuses), puis, en 1997, professeur ordinaire à l’université de Genève, sur la chaire d’histoire de la philosophie médiévale.
Précoce lecteur du « mystique » Maître Eckhart (dont il traduira les sermons), puis d’Étienne Gilson (sans être pour autant sur sa ligne historique, philosophique et théologique), Alain de Libera trouve en Michel Deguy, son professeur d’hypokhâgne, un inspirateur décisif à l’occasion d’un cours sur la syllogistique d’Aristote telle qu’elle est interprétée par les logiciens médiévaux. Séduit par la philosophie allemande moderne, c’est la logique qui le fait entrer définitivement dans le Moyen Âge philosophique. Guidé par Paul Vignaux (le successeur de Gilson à l’E.P.H.E.) et Jean Jolivet, il lance un vaste programme de recherche sur la logicamodernorum, les théories de la suppositio(la référence) et de la significatio (la signification), dont il dégagera une conception globale des travaux du philosophe médiéviste, de son objet et de ses méthodes.
L’archéologie philosophiquerevendique un double héritage (L’Art des généralités, 1999). Celui de Michel Foucault, dont elle adapte les notions d’épistémé, de « champs de présence » et d’« a priori historique » – qui servent à déterminer « à partir de quoi connaissances et théories ont été possibles » –, celui de Robin G. Collingwood (professeur de philosophie métaphysique à Oxford de 1935 à 1941), à qui Alain de Libera reprend la notion de « complexes de questions et réponses ». L’idée principale est qu’il n’existe pas de problèmes permanents : les thèses médiévales ne s’offrent qu’à celui qui se montre capable d’en « réactiver » le questionnaire d’origine et d’en ré-effectuer la logique propre. En ce sens, « l’archive » ne constitue pas « un dépôt mort », mais « une énergie fossile ».
Cette méthode est solidaire d’une certaine conception du mouvement global de la pensée. Reprenant une expression médiévale, Alain de Libera parle de translatiostudiorum, ou « transfert des études », pour désigner le déplacement des « textes » d’Orient en Occident qui a marqué l’histoire de la philosophie médiévale.
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Écrit par
- Jean-Baptiste BRENET : professeur des Universités, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média