LIBERA ALAIN DE (1948- )
Logique, métaphysique, psychologie
Les premiers travaux d’Alain de Libera portent sur la logique médiévale. Sa longue étude de la littérature des sophismata (un ensemble de questions déroutantes comme celle-ci : « est-il vrai de dire que l’homme est un animal rationnel, même si aucun homme n’existe ? ») culmine dans La Référence vide (2002). Dans La Querelle des universaux (1996), centré sur le statut de l’universel (l’universel « homme », par exemple, est-il réellement dans les choses, seulement dans l’esprit qui l’abstrait, ou est-il encore doté d’une autre forme d’existence ?), Alain de Libera montre comment le problème des universaux est un produit de l’exégèse néoplatonicienne, au croisement d’Aristote et de Porphyre. L’Art des généralités (1999) prolonge l’enquête en examinant la théorie de l’abstraction des concepts, dont il suit le destin jusqu’à Avicenne et Abélard.
Ses études sur la mystique rhénane (Introduction à la mystique rhénane, 1984 ; Eckhart, Suso, Tauler ou la Divinisation de l’homme, 1996) inscrivent la mystique dans une « histoire des rationalités religieuses ». Elles interrogent la limite des rapports entre langage, pensée et réel. Alain de Libera y livre un ensemble de recherches sur la tradition du néoplatonisme au Moyen Âge, la traduction du latin scolastique en allemand et la déprofessionnalisation de la philosophie, ainsi qu’une réflexion plus large sur « l’invention de l’intellectuel » (Penser au Moyen Âge, 1991) auquel son travail sur l’averroïsme latin fera écho. L’étude d’Averroès (dont il est l’un des grands promoteurs), de l’averroïsme et de la réception gréco-arabo-latine du De anima d’Aristote croise également ses travaux sur la censure et les condamnations.
Alain de Libera est engagé dans une monumentale Archéologie du sujet (sept volumes sont annoncés, trois ont paru depuis 2007) qui se veut une exploration de la philosophie de l’esprit. Deux questions sont posées : comment le terme « sujet » en est-il venu à se dire à titre insigne de l’homme ? Et comment « sujet », inversant son sens originaire de simple capacité réceptive, est-il conduit à s’assimiler à la notion dynamique d’agent ? Devant l’immense corpus qu’il reconfigure, de la tradition interprétative d’Aristote à Heidegger, en passant par la philosophie écossaise moderne, c’est la question de la place du Moyen Âge en histoire de la philosophie qui est revisitée.
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Écrit par
- Jean-Baptiste BRENET : professeur des Universités, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média