DELON ALAIN (1935-2024)
Article modifié le
Que l'on soit séduit par la beauté et la prestance de l’acteur français Alain Delon, ou irrité par son professionnalisme affiché, qui tournait parfois au narcissisme ou à l'effet mécanique, que l'on regrette ou non que, contemporain de la nouvelle vague, il en soit resté éloigné ou que celle-ci l'ait ignoré, par mépris ou par malentendu, Delon n'en fut pas moins une des rares vraies stars du cinéma français, reconnue dans le monde entier.
Jouer d'instinct
Né à Sceaux le 8 novembre 1935, Alain Delon connut une jeunesse tumultueuse : des parents séparés, une scolarité chaotique. Il s'engage à dix-sept ans dans l'armée et combat en Indochine. Il doit à l'amitié des acteurs Jean-Claude Brialy et Brigitte Auber, ainsi qu’à un physique avantageux, de fréquenter les milieux du cinéma. Avant même l'explosion de la nouvelle vague, de jeunes acteurs et actrices se font une place dans un cinéma français qui ne demande qu'à rajeunir, à l'image de son public : Jean-Paul Belmondo, Jacques Charrier, Bruno Cremer, Mylène Demongeot, Sophie Daumier, Jean Lefebvre, Pascale Petit, Laurent Terzieff... Parmi eux, Delon est remarqué pour sa beauté, souvent, mais aussi à cause d'une indéniable « présence ». Un critique de la Centrale catholique du cinéma signalait, à propos de sa première prestation dans Quand la femme s'en mêle (1957) d'Yves Allégret que, devant des professionnels chevronnés comme Edwige Feuillère, Jean Servais ou Bernard Blier, la beauté juvénile de l'acteur ne rendait que plus inquiétant son rôle de tueur à gages. L'année suivante, dans Sois belle et tais-toi ! de Marc Allégret, il croise une première fois Jean-Paul Belmondo, auquel on ne cessera de le comparer.
Contrairement à ses pairs, Alain Delon ne suit pas de cours d'art dramatique. Il apprend en jouant, d'instinct. Sa carrière est faite de rencontres avec des cinéastes qu'il considère non seulement comme « ses » maîtres, mais comme « des maîtres » tout court. Le premier d'entre eux sera René Clément. D'emblée, celui-ci saisit l'ambiguïté de l'acteur dont l'apparence angélique cache de profondes obscurités et correspond au personnage ambivalent et amoral de Ripley, imaginé par l'écrivaine américaine Patricia Highsmith. À la recherche d'un vrai statut professionnel et peu porté au laisser-aller, Delon découvre avec enthousiasme, lors du tournage de Plein Soleil (1960), un cinéma où tout est précis et concerté. Surtout, Clément lui apprend une chose simple et rare, que le réalisateur français admire chez son « idole », l'acteur américain John Garfield : l'art d'occuper l'espace et de se déplacer. Delon tournera plus tard sous la direction de Clément Quelle joie de vivre (1961), Les Félins (1964), et incarnera Jacques Chaban-Delmas dans Paris brûle-t-il ? (1966).
Dans le même temps, Luchino Visconti voit en Alain Delon le héros de son film Rocco et ses frères (1961). À vingt-cinq ans, le frêle Delon n'évoque en rien le paysan du sud de l'Italie monté à Milan avec sa famille, ni un futur champion de boxe... Mais Visconti joue de ce décalage pour accentuer les contradictions et les ambiguïtés du personnage, comme il le fera deux ans plus tard avec le Tancredi du film Le Guépard : « Encore au début du processus de formation et de corruption, on peut voir se refléter sur sa personne ces éclairs de civilisation, de noblesse et de virilité que l'immobilité féodale a cristallisés » dans le personnage du prince Salina (interprété par Burt Lancaster). La figure de Delon sera poussée à l'extrême de son versant cynique dans L'Éclipse (L'Eclisse, 1962), de Michelangelo Antonioni, où l'agent de change Piero porte à son terme le processus de corruption morale par l'argent.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma - Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
-
LE GUÉPARD, film de Luchino Visconti
- Écrit par Michel CHION
- 1 191 mots
- 2 médias
...poignant lorsqu'on le voit tenté par la jeunesse d'Angelica, qu'il « donne » à son neveu, et lorsqu'il évoque sa propre mort en regardant un tableau. Alain Delon, après avoir été Rocco dans le film précédent, excelle dans un rôle de jeune homme enthousiaste et désinvolte à la fois. C'est son personnage...