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DELON ALAIN (1935-2024)

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Artisan de son propre mythe

Avant de jouer en 1971 avec Simone Signoret dans La Veuve Couderc, de Pierre Granier-Deferre, Alain Delon rencontre dans Mélodie en sous-sol (1963) d’Henri Verneuil, celui qui représente pour lui le monstre sacré de l'« ancienne vague », Jean Gabin. Ambitieux, Delon veut devenir, lui aussi, une des stars du cinéma français. Il prend alors conscience de la nécessité de modeler son personnage et devient un self made myth. Le Delon réel, producteur (Delbeau, puis Adel Productions), va jusqu'à parler de Delon, personnage et acteur, à la troisième personne. Il développe une mythologie héroïque aux antipodes des antihéros de l'absurde et de l'échec issus de l’après-guerre. On y voit un Delon positif s'opposer à la décadence morale et sociale : La Tulipe noire (Christian-Jaque, 1964), Les Centurions (Mark Robson, 1966), Les Aventuriers (Robert Enrico, 1967), Zorro (Duccio Tessari, 1975)...

Mais c'est dans les films de Jean-Pierre Melville – « l'homme de cinéma complet », dit-il – que se dévoile le plus clairement le dispositif de création du personnage mythique : Le Samouraï (1967), Le Cercle rouge (1970), Un flic (1972) décrivent ouvertement la mise en scène des signes de l'aristocratie vestimentaire et du professionnalisme maniaque.

Si Alain Delon accepte très lucidement de mettre son travail d’acteur au service des « vrais » créateurs (Visconti, Melville, Losey, Clément...), dans de nombreux cas il se sent frustré et cherche dans la production (une trentaine de films) de quoi assouvir son désir de création. Comme producteur, certains de ses choix, souvent judicieux, surprennent son public : L’Insoumis (1964) d’Alain Cavalier ; Le Professeur (1972) de Valerio Zurlini ; Traitement de choc (1973) d’Alain Jessua ; Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey... Simple acteur, il accepte également des rôles risqués dans des films qui utilisent avec intelligence la duplicité de son personnage : Notre Histoire (Bertrand Blier, 1984), qui lui vaut un césar, et Nouvelle Vague (Jean-Luc Godard, 1990). Néanmoins, le public ne suit pas nécessairement. Souvent aussi,

Delon s'adresse à des artisans solides (Jacques Deray, Georges Lautner, Henri Verneuil), la qualité professionnelle suppléant à l’absence de surprise. Mais, lorsqu'il se contente d’être un faire-valoir (Robin Davis, José Pinheiro) ou qu’il se dirige lui-même (Pour la peau d'un flic, 1981 ; Le Battant, 1983), rien ne subsiste, pas même l'intérêt du public.

Alain Delon avait débuté au théâtre dès 1961 sous la direction de Luchino Visconti, dans Dommage qu’elle soit une putain, de l’auteur élisabéthain John Ford, aux côtés de Romy Schneider et Sylvia Monfort. Lorsque les succès au cinéma se font plus rares, surtout après l'échec du tandem Delon-Belmondo dans le film de Patrice LeconteUne chance sur deux (1998), l’acteur annonce qu'il renonce au cinéma, faute de nouveaux Clément, Visconti ou Losey. Sa seconde carrière théâtrale commence avec Les Variations énigmatiques d'Éric-Emmanuel Schmitt, mis en scène par Bernard Murat (1996-1998). En 2008, l’acteur assure lui-même la mise en scène de Love Letters, d’Albert Ramsdell Gurney, avec Anouk Aimée, puis interprète en 2011 Une journée ordinaire, d’Éric Assous, avec sa fille Anouchka. Mais on retiendra surtout, en 2007, l’adaptation du roman de Robert James Waller, Sur la route de Madison (The Bridges of Madison County), que Clint Eastwood avait porté à l’écran en 1995 avec Meryl Streep. Delon retrouvait pour cette pièce sa complice de longue date Mireille Darc.

Acteur, producteur, réalisateur, Alain Delon fut aussi un collectionneur d’art et un homme d’affaires qui géra habilement son nom et son mythe. En France, ce fut à la télévision qu’il retrouva le succès, avec deux séries policières. En 2002, l’adaptation[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

<em>Le Guépard</em>, L. Visconti - crédits :  Titanus/ Pathé Cinéma/ SGC/ Screen Prod/ Photononstop

Le Guépard, L. Visconti

Autres références

  • LE GUÉPARD, film de Luchino Visconti

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    • 1 191 mots
    • 2 médias
    ...poignant lorsqu'on le voit tenté par la jeunesse d'Angelica, qu'il « donne » à son neveu, et lorsqu'il évoque sa propre mort en regardant un tableau. Alain Delon, après avoir été Rocco dans le film précédent, excelle dans un rôle de jeune homme enthousiaste et désinvolte à la fois. C'est son personnage...