POHER ALAIN (1909-1996)
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Alain Poher, décédé le 9 décembre 1996, a présidé le Sénat pendant vingt-quatre ans. C'est à ce titre, comme deuxième personnage de l'État, qu'il a assumé par deux fois l'intérim de la présidence de la République, en 1969 et en 1974. « Mes cent jours », ironisait-il volontiers sur ce double séjour à l'Élysée qui le fit connaître des Français.
Ces deux intérims se sont cependant déroulés dans des circonstances bien différentes. Le 28 avril 1969, Charles de Gaulle quitte l'Élysée après avoir perdu un référendum qui portait notamment sur une réforme du Sénat. Alain Poher s'était opposé à ce projet qui aurait considérablement réduit les pouvoirs de la seconde chambre et son mode de représentation. Aussi, c'est presque naturellement que ses amis centristes le poussent à se présenter à l'élection présidentielle. Il hésite et attend le dernier moment. Lâché par une partie de la droite non gaulliste (les giscardiens et certains centristes, qui rallient Georges Pompidou), il mène une campagne discrète, sans grand meeting et sans déplacement en province. Avec 23,3 p. 100 des voix, il se qualifie pour le second tour. Mais la gauche communiste le renvoie dos à dos avec Pompidou (c'est le fameux « blanc bonnet et bonnet blanc » de Jacques Duclos), et il est sévèrement battu par ce dernier, n'obtenant que 41,8 p. 100 des suffrages.
En avril 1974, lorsque meurt Georges Pompidou, Alain Poher reprend le chemin de l'Élysée, mais pour y jouer cette fois-ci un rôle d'arbitre. Il refuse même de se prononcer pour un candidat. Il veille au contraire à ce que l'élection se déroule dans les meilleures conditions possibles, notamment outre-mer, et, après la victoire de Valéry Giscard d'Estaing, il reçoit son adversaire malheureux, François Mitterrand, pour discuter avec lui d'un statut de l'opposition.
Avant d'accéder à la présidence du Sénat, en octobre 1968, Alain Poher avait déjà conduit une carrière politique bien remplie, et marquée du sceau de l'Europe. Pourtant, rien ne prédisposait aux plus hautes charges de la république cet ingénieur civil des mines, né en 1909 à Ablon-sur-Seine (Seine-et-Oise) dans un famille d'origine bretonne. La guerre le trouve rédacteur de troisième classe au ministère des Finances. Il aurait pu accomplir une modeste carrière de fonctionnaire, malgré sa participation à la Résistance (réseau Libération-Nord), sans la rencontre de Robert Schuman, qui fait de lui son chef de cabinet rue de Rivoli (1946), puis l'incite à se présenter au Sénat (alors Conseil de la République). Alain Poher est élu en 1946 sénateur M.R.P. de la Seine-et-Oise, un an après avoir conquis – et pour longtemps (1945-1983) – la mairie de sa ville natale. Battu en 1948, réélu en 1952, il restera sénateur, d'abord de la Seine-et-Oise puis, à partir de 1968, du Val-de-Marne, jusqu'en 1995.
Il entame parallèlement une carrière ministérielle. Rapporteur général du Budget au Conseil de la République de 1946 à 1948, il est nommé secrétaire d'État aux Finances dans les gouvernements Schuman et Queuille (1948). Un bref passage comme secrétaire d'État aux forces maritimes dans le gouvernement Gaillard (1957-1958) interrompra sa présidence presque continue du groupe M.R.P. au Sénat de 1954 à 1960.
Sa défaite électorale lui a ouvert la voie d'un beau parcours européen. Il est nommé en 1948 commissaire général aux affaires allemandes et autrichiennes (poste où il succède à Michel Debré), puis délégué de la France à l'Autorité internationale de la Ruhr (1950-1952) et président de la commission du Marché commun, alors en gestation, de 1955 à 1957. La consécration vient en 1966, lorsqu'il est élu – pour trois ans – président du Parlement européen. C'est au cours de cette période qu'il se retrouve, à la surprise générale, président du Sénat.
La majorité antigaulliste du palais du Luxembourg ne parvenait pas à s'entendre sur le nom du successeur de Gaston Monnerville. Au troisième tour, alors qu'Alain Poher s'apprêtait à regagner Strasbourg, les socialistes, les radicaux et les centristes s'accordent sur sa personne, et il est élu. Il sera réélu sept fois.
Après l'épisode du référendum de 1969, les relations s'apaisent entre l'exécutif et le Sénat, dont Alain Poher veut faire « un rempart contre l'aventure, sans pour autant apparaître comme un obstacle à l'évolution nécessaire », ainsi qu'il le déclare en 1975 lors du centenaire de la Haute Assemblée. Fort de ce double principe, il défère en 1971 au Conseil constitutionnel un projet de loi sur les associations qui lui paraît attentatoire aux libertés. Les « neuf sages » lui donnent raison.
C'est à partir de 1981 que le Sénat va avoir l'occasion de s'affirmer sous son impulsion. La droite, qui s'y trouve majoritaire, s'oppose à la plupart des textes de la gauche. La bataille atteint son point culminant lors de la « guerre scolaire » de 1984, lorsque François Mitterrand propose un référendum sur l'élargissement du champ du référendum, que le Sénat fera échouer.
En 1989, âgé de quatre-vingts ans, Alain Poher se représente, contre les souhaits de ses amis centristes et U.D.F. qui veulent le voir passer la main. Il est néanmoins réélu grâce au soutien de Charles Pasqua et du groupe R.P.R. Ce dernier mandat se déroulera dans une atmosphère de fin de règne, où le président, malade, ne pèse plus guère pour faire évoluer le Sénat.
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Écrit par
- Bruno DIVE
: journaliste éditorialiste à
Sud Ouest
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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période post-gaullienne (1969-1981)
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