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TANNER ALAIN (1929-2022)

Alain Tanner a été le premier des jeunes cinéastes suisses à s'imposer, non sans peine, hors des frontières helvétiques. Né le 6 décembre 1929 à Genève, il a d'abord été, avec Claude Goretta, l'animateur d'un ciné-club genevois, en 1951. Il lui était à l'époque impossible de « passer à la réalisation », car la télévision suisse n'existait pas encore. Il partit donc pour Londres, où il fréquenta le British Film Institute et les milieux du free cinema, dont l'impact sera visible sur son œuvre. Il y réalise, avec Goretta, un premier essai de « cinéma direct », Nice Time (1957, sur la vie nocturne à Piccadilly), qui sera primé à Venise et lui vaudra un engagement à la BBC. Son permis de travail n'ayant pas été renouvelé, il se décide à rentrer en Suisse, mais s'arrête à Paris. Il y prend contact avec la nouvelle vague et est assistant de divers films.

En 1961, de retour à Genève, il commence à réaliser des documentaires pour la télévision suisse romande : la fiction ne l'intéresse pas. Travaillant au cachet, il reste assez libre quant au choix de ses sujets. Mais, lorsque sa collaboration se développe (1964-1968), il prend conscience des contraintes techniques du reportage. En 1968, il participe, avec Goretta, Lagrange, Roy et Soutter, à la fondation du « groupe des Cinq », qui entend faire du vrai cinéma en coproduction avec la télévision. De la période antérieure, on retiendra surtout Les Apprentis, essai de « découverte » de la jeunesse urbaine au travail (1964), qui a souffert de devoir être tourné en 35 millimètres. L'effort ultérieur du cinéaste consistera à introduire dans le film de fiction (seule production indépendante possible) les progrès de légèreté et de maniabilité qu'il n'a pu imposer aux cadres trop rigides de la télévision.

Il s'en fallut de peu que son premier long-métrage, Charles mort ou vif (1969), essai sur l'aliénation de l'individu et sur ses tentatives d'échappées sur le mode ludique, ne trouve pas de distributeur. Mais le succès parisien, puis mondial, de La Salamandre (1971), qui a bénéficié de la loi d'aide à la production votée en 1970, tire Tanner de l'obscurité. Ce film, plus riche et mieux développé que le précédent, repose sur le même thème, vu au féminin, et bénéficie de l'interprétation de Bulle Ogier. Entre-temps, les deux films recueillent le bénéfice moral de toute une campagne de sélections dans les festivals les plus divers, de Cannes jusqu'à San Antonio (Texas University).

Alain Tanner - crédits : Photopress Archiv /Keystone / Bridgeman Images

Alain Tanner

Tanner, loin de se répéter, a cherché à se renouveler en même temps qu'il accentuait sa critique contestataire de la société suisse. Mais ses films suivants – Le Retour d'Afrique (1973) et Le Milieu du monde (1974) – ont quelque peu déçu, par leur recours à des procédés mélodramatiques qui jurent avec leur volonté de modernisme. Le désir du cinéaste de coller aux problèmes qu'il évoque se révèle çà et là aussi étroit que ces problèmes eux-mêmes. L'honnêteté de Tanner, son refus des solutions toutes faites ou des généralisations hâtives se retournent contre lui, en même temps que son mépris de l'esthétique (supportable dans La Salamandre) devient lassant. Il y a davantage de fantaisie (en même temps que de gravité vraie) dans Jonas qui aura vingt-cinq ans en l'an 2000, réalisé en 1976, où sont abordés des problèmes tels que la tolérance, sexuelle ou autre, et l'écologie, à un meilleur niveau d'universalité. Tanner demeure d'ailleurs un cinéaste de l'aliénation exorcisée, donc de l'utopie : seulement, celle-ci a tendance de plus en plus nettement à se concentrer dans un destin individuel, que ce soit sous le signe de l'adolescence (Les Années lumière, 1981), du retrait hors du monde (Dans la ville blanche[...]

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Écrit par

  • : écrivain, philosophe, critique d'art et de cinéma
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Alain Tanner - crédits : Photopress Archiv /Keystone / Bridgeman Images

Alain Tanner

Autres références

  • BERGER JOHN (1926-2017)

    • Écrit par
    • 838 mots

    Fils d’un émigré hongrois et d’une Londonienne longtemps active auprès des suffragettes, John Berger naît le 5 novembre 1926 à Stoke Newington, dans la banlieue nord de Londres. Artiste protéiforme ‒ peintre, dessinateur, romancier, essayiste, scénariste, poète ‒, il débute son éducation artistique...

  • SUISSE CINÉMA

    • Écrit par
    • 1 926 mots
    • 1 média
    ...helvètes en même temps que lieu de confrontations aussi ouvertes qu'enrichissantes. Ces quelques années sont décisives, même si c'est « hors groupe » qu'Alain Tanner (1929-2022) produit et met en scène La Salamandre (1971) qui va servir de locomotive au cinéma suisse. Le film reste plus de soixante...