ALAOUITES ou NUṢAYRĪS
La secte shī‘ite des Nuṣayrīs (An-Nuṣayriyya), qu'on appelle plus couramment Alaouites (Alawites), représente environ 11 p. 100 de la population syrienne. Elle est implantée principalement dans la région montagneuse du djebel Anṣariyya (anciennement as-Summāk), au nord de l'est côtier du pays. Les Alaouites shī‘ites de Syrie, qui ont donné à la nation son élite dirigeante, sont à distinguer de ces autres « descendants de ‘Alī » que sont les Alaouites du Tafilalet et dont la dynastie marqua l'histoire du Maroc au xviie siècle.
C'est à partir du mandat français, vers 1920, que l'appellation d'Alaouites s'est imposée pour désigner les Nuṣayrīs : selon l'auteur de Khuṭat ash-Sham, Muḥammad Kurd ‘Alī, cette dernière dénomination avait, en effet, pris un sens extrêmement péjoratif aux yeux de la majorité sunnite de Syrie ; de son côté, Mahdī al-‘Askari soutient que les Nuṣayrīs se donnèrent le nom de Alawiyyūn pour se rapprocher des shī‘ites imamites ; enfin, l'historien alaouite G. aṭ-Ṭawil, dans Tarikhal-alawiyyūn, prétend que les membres de la secte n'ont fait que reprendre, sous le mandat français, une appellation dont ils avaient été privés pendant les quatre siècles de la domination ottomane en Syrie, mais cette opinion ne tient pas, car le terme de nuṣayrī se trouve dans les documents historiques, shī‘ites et sunnites, depuis le ive siècle de l'hégire.
D'après les manuscrits anciens, la doctrine nuṣayrī semble se rattacher à différents mouvements religieux antérieurs à l'islam (mazdéisme iranien, néo-platonisme grec, manichéisme, christianisme). Elle commença à prendre forme au sein de la secte d'al-Mufaḍḍaliyya, disciple d'al-Mufaḍḍal ben ‘Umar al-Ḏj̱u‘fī. Ce dernier était lui-même disciple d'Abū-l-Ḵẖaṭṭāb, fondateur de la secte de Khaṭṭābuyya, d'où dérivent la plupart des mouvements extrémistes (g̱ẖulāt) de l'islam. Al-Mufaḍḍaliyya se sépara des Ismaéliens, qui rejetaient les livres d'al-Mufaḍḍal, tels que le Kitāb aṣ-Ṣirāt et le Kitāb al-haft wa-l-aẓillah. La secte des Nuṣayrīs apparaît en tant que telle au ixe siècle (iiie s. de l'hégire) dans le bas Irak. D'après un des manuscrits la concernant (Kitāb al-madjmū', sourate IV), elle emprunte son nom à son fondateur, un autre disciple d'al-Ḏj̱u‘fī, Muḥammad ben Nuṣayr al-‘Abdi al-Bakrī, qui vécut à l'époque des trois derniers imāms duodécimains, ‘Alī al-Hādī, Ḥasan al-‘Askarī et Muḥammad al-Mahdī, et qui est mort en 270/884. La doctrine nuṣayrī gagna le nord de la Syrie au xe siècle sous la conduite d'un Persan, Muḥammad b. Ḏj̱undub al-Ḏj̱unbulāni (mort en 340/1151), qui était un disciple d'Ibn Nuṣayr et qui se donna comme successeur un savant égyptien, Ḥamdān al-Ḵẖuṣaybī (mort en 358/1169). Ce sont eux qui implantèrent la secte dans le djebel as-Summāḳ.
Le dogme spécifique des Alaouites nuṣayrī est celui qui attribue la divinité à ‘Alī ben Abī Ṭālib, cousin et gendre du Prophète (Mahomet), ce qui s'entend dans un sens conceptuel (ma‘nā) et dans un sens ésotérique (bāṭin). Dieu s'est manifesté dans le corps de ‘Alī ben Abī Ṭālib, qui a disparu de ce monde depuis que son assassin, ‘Abd ar-Raḥman ben Mulḏj̱im, a libéré la divinité de son humanité. ‘Alī, dont le nom a pour signe la lettre ‘ayn, est la septième et dernière des réincarnations divines, après Seth, Sem, Joseph, Élisée, Assaf et Simon le Magicien (théorie empruntée au manichéisme, dont le septénaire comprend Adam, Seth, Noé, Jésus, Buddha, Zoroastre et Mani). Au-dessous du Concept (ma‘nā) vient le Nom (ism), le Prophète , qui est nommé encore le Voile (ḥidjāb) et qui, lui aussi, est[...]
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Écrit par
- Jaafar AL-KANGE : auteur
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