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GENTILI ALBERICO (1552-1608)

Juriste et philosophe italien, né à San Ginesio, Alberico Gentili suit d'abord les cours de l'université de Pérouse qui supplante alors, depuis déjà longtemps, l'école de Bologne ; en effet la fameuse école des glossateurs (qui, d'Irnerius à Accurse, de 1088 à 1258, avait tant contribué à faire prévaloir les principes des lois romaines) a cédé la première place à l'école des commentateurs, brillamment représentée par Bartole (1313-1357) ; revenant à l'interprétation des textes eux-mêmes, celle-ci a voulu adapter ces textes aux institutions de l'Italie du xive siècle. C'est là, influencé à la fois par la rigueur des maîtres de Bologne et leur souci d'exactitude et par l'attachement à la pratique des bartolistes, qu'Alberico Gentili obtient en 1572 son titre de docteur en droit civil.

Avocat à San Ginesio, juge à Ascone, il embrasse alors la religion réformée et se trouve de ce fait contraint de quitter l'Italie. Après un bref passage en Autriche, il devient, grâce à l'appui de sir Philippe Sydney et du comte de Leicester, professeur à Oxford, où ses cours de droit romain le rendent célèbre. Sa religion et sa formation pratique le poussent à rompre avec la doctrine des théologiens catholiques jusque-là dominante (école philosophique) ; abandonnant les principes abstraits, prenant en compte les faits et règles établis par la coutume et les traités, s'attachant aux événements contemporains, il se fait l'éminent représentant de la tendance historique. Considérant le droit international comme l'étude de rapports entre États qui ont source directement dans la nature humaine (et non plus divine), il annonce les théoriciens du droit naturel. Les persécutions contre les protestants en Italie, contre les catholiques en Angleterre lui donnent l'occasion de développer les idées de tolérance et de liberté nouvelles pour son temps. Il les affirme plus particulièrement dans son livre De jure belli où il remet en cause la légitimité des guerres pour motifs religieux. Pour Gentili, la seule justification des guerres réside dans l'absence d'une juridiction susceptible de trancher les conflits ; il n'en reconnaît donc le juste usage qu'aux princes et nie ainsi la légitimité des guerres privées. Cependant, il préconise, avant l'emploi de la force, le recours à l'arbitrage et à la « droite raison ». Sa définition « La guerre est une lutte armée, publique et juste » est demeurée célèbre. Son souci de tolérance et d'humanité doublé par un sens très sûr des nécessités du commerce international font de lui le protecteur du droit des neutres. Dans une plaidoirie prononcée devant la Cour anglaise d'amirauté en 1605, il défend la liberté du commerce, lui donnant pour seule limite les nécessités de la défense, et restreint étroitement le droit de capture ; il présage ainsi les solutions apportées à ce problème par le droit moderne.

Ses cours à Oxford et la rédaction de nombreux ouvrages ne l'empêchent pas de se mêler à la vie publique. Consulté dès 1584 par le gouvernement d'Élisabeth Ire sur le cas de l'ambassadeur espagnol Bernardino de Mendoza, accusé de complot contre la sécurité de la reine, il émet un avis d'expulsion, arguant que la mise à mort de l'envoyé d'un prince est impossible ; son avis prévaut. Il développe son point de vue dans son De legationibus en 1585. Il est admis à Gray's Inn en 1600 et devient conseiller permanent du roi d'Espagne en 1605.

Son grand mérite est d'avoir libéré la loi internationale de la tutelle de la théologie, l'affirmant comme une « loi naturelle qui unit entre eux des États indépendants et autonomes, mais obéissant à la loi de sociabilité, et dont les intérêts sont solidaires parce qu'humains » (De[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit international public à l'université d'Évry-Val-d'Essonne

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