SCHWEITZER ALBERT (1875-1965)
Né à Kaysersberg (dans l'Alsace alors allemande), Albert Schweitzer passe son enfance à Gunsbach (près de Munster) où son père est pasteur. Musicien lui-même, celui-ci donne très tôt le goût de la musique à son fils ; dès l'âge de neuf ans, le jeune Albert remplace parfois l'organiste paroissial. Bachelier en 1893, il vient à Paris pour entreprendre des études de philosophie à la Sorbonne ainsi que des études musicales sous la direction de C. M. Widor. Il poursuit sa formation philosophique et théologique à l'université de Strasbourg, tout en donnant des récitals d'orgue. Docteur en philosophie en 1899 avec une thèse sur La Philosophie religieuse de Kant (Tübingen, 1899), il est nommé l'année suivante vicaire adjoint de l'église Saint-Nicolas de Strasbourg. Il soutient sa thèse de doctorat en théologie en 1902 (Le Mystère de la messianité et de la souffrance. Esquisse d'une vie de Jésus) et devient alors maître de conférences à la faculté de théologie protestante de Strasbourg. En 1903, il est nommé directeur du séminaire protestant. Une belle carrière de théologien, de prédicateur (comme en témoigne le recueil de sermons paru sous le titre Vivre en 1970) et de musicologue semble s'ouvrir devant lui. Il publie ainsi, en 1905, une monographie consacrée à J.-S. Bach, où il interprète d'une manière neuve les rapports entre l'œuvre du célèbre compositeur et la poésie (Jean-Sébastien Bach, le musicien poète) ; il donnera aussi des études sur l'art de la construction des orgues, une édition critique des Préludes et fugues pour orgue de J.-S. Bach. Mais il sent que là n'est pas sa véritable vocation. Il apprend alors par hasard, en 1904, que la Société des missions évangéliques de Paris recherche des médecins volontaires pour se rendre au Gabon. Il démissionne de son poste de directeur du séminaire et entreprend des études médicales. Docteur en médecine en 1911, il part pour l'Afrique deux ans plus tard. C'est à Lambaréné, « à l'orée de la forêt vierge », qu'il installe le village-hôpital — toujours en chantier et toujours en extension — qui le rendra célèbre. Incarcéré comme ressortissant allemand au début de la Première Guerre mondiale, il est ensuite transféré dans un camp de prisonniers réservé aux Alsaciens, en Provence. Après la guerre, il donne une série de conférences et de récitals afin de collecter des fonds pour son hôpital. À partir de 1924, il passe l'essentiel de sa vie à Lambaréné.
Il mène de front ses activités médicales et ses recherches théologiques et philosophiques, publiant notamment un ouvrage sur La Mystique de l'apôtre Paul (1930) et une étude sur Les Grands Penseurs de l'Inde (1936). Au point de vue théologique, il est très fortement marqué par le libéralisme, qui ramène souvent l'essentiel du message chrétien à une réflexion sur la personne et l'enseignement de Jésus. Le grand thème qui inspire toute sa pensée et son action, le fondement de son éthique personnelle, est le respect de la vie, qui doit être pratiqué à l'égard de tous. Il est mondialement connu à partir des années cinquante ; la littérature, la radio, le cinéma s'emparent alors de son personnage et les honneurs s'accumulent sur ses épaules : docteur honoris causa de plusieurs universités (Zurich, Édimbourg, Oxford, Chicago entre autres), il est élu en 1951 membre de l'Académie des sciences morales et politiques et reçoit, en 1953, le prix Nobel de la paix. À partir de 1954, il dénonce vigoureusement le péril atomique et ne cesse de réclamer l'arrêt des expériences nucléaires. Il meurt à Lambaréné.
Vers la fin de sa vie, son œuvre médicale fut assez vivement critiquée. On lui reprocha tout à la fois son attitude paternaliste envers les Africains (qu'il persistait à appeler[...]
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Écrit par
- André ENCREVÉ : agrégé de l'Université, attaché de recherche au C.N.R.S.
Classification
Média