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HUNTER ALBERTA (1897-1984)

Aux États-Unis, la frontière entre deux genres, bien distincts en Europe : le jazz et la chanson populaire, n'a jamais été bien nette. Aussi, jusqu'à une époque récente, était-il inconcevable qu'un orchestre pût se présenter devant son public sans vocaliste. Ces chanteurs et chanteuses, refusant toute spécialité, passaient sans difficulté de la rengaine la plus commerciale au blues le plus exigeant. Pendant l'entre-deux-guerres, ils se firent connaître en grand nombre non seulement avec les formations de spectacle dont ils étaient l'attraction, mais aussi avec les plus remarquables musiciens de jazz du temps qui, comme Oliver, Armstrong ou Bechet, ne dédaignaient pas de se produire en leur compagnie. C'est ainsi que Sippie Wallace, Maggie Jones, Virginia Liston, Margaret Johnson, Rosetta Crawford, Sara Martin, Eva Taylor, Maureen Englin, Hazel Smith et, last but not least, Alberta Hunter se firent une réputation qui est loin d'être usurpée.

Alberta Hunter — que l'on retrouve parfois sous le pseudonyme de Josephine Beatty, emprunté à l'identité de sa sœur — est née à Memphis, en 1897 selon les spécialistes, en 1895 selon les propres déclarations de l'intéressée. C'est à Chicago qu'elle fait, très jeune — en 1912 —, ses débuts sur la scène du Dago Frank's. Elle compose à cette époque le fameux Downhearted Blues que devait immortaliser l'immense Bessie Smith. Il lui arrivera même de remplacer la grande chanteuse dans How Come ? Puis elle s'embarque pour l'Europe et se produit à Londres, Copenhague et Paris qui deviendra, après 1923, son port d'attache. Elle fréquente alors Cécile Sorel, Ray Ventura, Joséphine Baker, Stéphane Grappelli, Django Reinhardt et signe plusieurs enregistrements avec le quintette du Hot Club de France. Pendant les années vingt, elle se produit dans de nombreuses comédies musicales à New York et se révèle l'une des chanteuses les plus recherchées par les studios. C'est ainsi qu'on peut l'entendre aux côtés de Eubie Blake, Fletcher Henderson, Tommy Ladnier, Louis Armstrong, Duke Ellington, Clarence William, Fats Waller, Charlie Shavers, Budd Johnson et Buster Bailey. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle fait le tour du monde pour le théâtre aux armées. À la mort de sa mère, en 1954, elle interrompt brutalement sa carrière musicale, passe son diplôme d'infirmière et entre au Goldwater Memorial Hospital. Pendant plus de vingt ans, Alberta Hunter choisit le silence. Elle réapparaît dans Remember my Name, film de Robert Altman. En octobre 1977, elle commence une seconde carrière et chante régulièrement dans un club-restaurant de New York, le Cookery. En 1982, elle participait encore au festival de Paris, témoignage d'une jeunesse de cœur et d'esprit que les ans n'avaient pas réussi à entamer.

— Pierre BRETON

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