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BURRI ALBERTO (1915-1995)

Combustions, martèlements, fissures

C'est à partir des Sacchi et du scandale qu'ils provoquèrent que s'établit la réputation nationale et internationale des œuvres de Burri. En dépassant le gestualisme d'une certaine peinture abstraite, en exaltant les matériaux les plus frustres empruntés à la vie quotidienne, Alberto Burri fait dès cette époque figure de pionnier et anticipe sur les expériences menées par les artistes liés au Nouveau Réalisme, comme plus tard par ceux de l'Arte povera. En l952, il participe à la XXVIe biennale de Venise, et Lucio Fontana achète une de ses œuvres. L'année suivante, il est le seul artiste italien à participer à l'exposition Younger European Painters, organisée par James-Johnson Sweeney au Solomon Guggenheim Museum de New York. Robert Rauschenberg lui rend visite à Rome. En 1956, c'est Michel Tapié qui présente à la galerie Rive droite à Paris les œuvres d'Alberto Burri.

Renouvelant jusqu'à la fin de sa vie sa pratique autour des matériaux les plus divers et procédant par séries, l'artiste inaugure en 1957 les Combustioni (« combustions »). Le pinceau n'est autre qu'une torche de feu qui ronge des plaques de bois ou des lames de fer, évoquant quelques « blessures et lacérations morales plus que physiques ». Par la suite, dans les années 1970, Burri défiera les matières les plus actuelles et les plus quotidiennes (plastiques, résine ou cellotex). Les boursouflures expressives de certains Sacchi font place à une organisation graphique de l'espace d'une extrême rigueur, dominée par une gamme de couleurs très réduites ou peuvent dialoguer deux tons d'ocre, ou encore un rouge et un noir d'une profonde intensité. Aucun matériau ne semblant échapper à la quête de Burri. Ainsi, il y aura encore les Legni (« bois ») et les Ferri (« fers ») à partir de 1957. Avec cette dernière série d'œuvres, l'artiste affrontera les tôles industrielles martelées par la chaleur et rongées par la rouille.

Après le tremblement de terre qui détruisit en l968 la localité sicilienne de Gibelina, Alberto Burri, comme nombre d'artistes, s'investit dans le projet qui consistait à faire de la petite commune une capitale de l'art moderne susceptible de s'ouvrir également à l'opéra contemporain. Sur l'ancienne cité détruite, l'artiste exploite, à partir de 1973, l'une de ses expériences, les Cretti (« crevasses ») dont les fissures naissent des effets produits par de la colle au vinyle activée par dilution avec de l'argile et de l'eau, et répand des tonnes de chaux sur le site, tel un gigantesque suaire, qui prend l'aspect d'un désert craquelé dont toute vie paraît à jamais exclue. L'artiste, mort en 1995, a fait don à sa ville natale, Città di Castello, d'une très importante collection de ses œuvres ; elles ont été installées dans le palais Albizzini, restauré à cet effet et devenu fondation. La donation couvre l'ensemble des innovations radicales engagées par l'artiste à partir de l950, ainsi que la plupart des expériences et des recherches qu'il a menées sur les matériaux les plus insolites. « Tout ce que je puis dire, affirmait Burri, c'est ceci : la peinture a été pour moi la conquête d'une liberté consciemment renforcée et soigneusement défendue, afin d'y puiser la force de peindre davantage. »

— Maïten BOUISSET

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