GINASTERA ALBERTO (1916-1983)
L'Argentine, qui possède une tradition lyrique fondée sur l'apport d'artistes européens invités au Teatro Colón de Buenos Aires, a pris conscience, grâce à Alberto Ginastera, de son identité musicale. Sous son impulsion , elle s'est dotée des institutions permettant de former des instrumentistes et des compositeurs argentins qui, sans avoir, pour la plupart d'entre eux, travaillé directement avec lui, ont cependant profité de son influence sur le monde musical.
Né à Buenos Aires le 11 avril 1916, dans une famille d'origine italo-catalane, Alberto Evaristo Ginastera étudie au conservatoire Williams de sa ville natale (1928-1935) puis au Conservatoire national (1936-1938) avec Athos Palma, José André et José Gil. Il attire l'attention avec son balletPanambí (1937), créé au Teatro Colón en 1940. Dès l'année suivante, il enseigne la composition au Conservatoire national de Buenos Aires et au Liceo Militar General San Martín (1941-1945). L'octroi d'une bourse Guggenheim, en 1942, lui permet de compléter sa formation aux États-Unis : il vit à New York de 1945 à 1947 et travaille notamment avec Aaron Copland à Tanglewood. De retour dans son pays natal, il est directeur du conservatoire de La Plata (1948-1952, puis 1956-1958) et professeur au Conservatoire national de Buenos Aires à partir de 1953. Il donne une impulsion fondamentale à la vie musicale de son pays en formant, dès 1948, la Ligue des compositeurs argentins, qui va devenir la section locale de la S.I.M.C. (Société internationale de musique contemporaine). En 1962, il crée le Centre latino-américain des hautes études musicales à Buenos Aires, dont il est le directeur jusqu'à son départ aux États-Unis en 1968. Il enseigne à Dartmouth College (New Hampshire), puis il se fixe à Genève en 1970, où il épouse, l'année suivante, la violoncelliste Aurora Natola. Il meurt dans cette ville le 25 juin 1983.
Peu connu en Europe, Ginastera est considéré aux États-Unis comme une figure importante de la musique. Mais sa notoriété a souffert de ses premières orientations esthétiques, fidèles aux sources populaires de la musique argentine et donc incompatibles avec la dictature sérielle qui régnait alors en Europe occidentale.
À ses débuts, il cultive en effet un nationalisme qui prend deux formes successives, qualifiées par Ginastera lui-même d'objective et de subjective. La première période (nationalisme objectif) se réfère au folklore argentin de façon directe. Dans Estancia, ballet d'après des scènes de la vie rurale (1941), c'est le folklore brut. Mais ce folklore devient plus élaboré, avec une reconstitution partielle des rites indiens dans Panambí (1937). Ginastera utilise un langage harmonique très subtil, hérité de l'impressionnisme, et il s'inspire aussi bien de la música criolla, de provenance européenne, que des pampas, de tradition gauchesco. De cette époque datent l'Ouverture pour le Faust créole (1943), la Symphonie élégiaque (1944) et les Hieremiae Prophetae Lamentationes (1946) pour chœur a cappella.
Après son Premier Quatuor à cordes (1948), Ginastera s'oriente vers un nationalisme subjectif ; son écriture s'éloigne d'une inspiration folklorique directe et ne conserve que les motivations populaires de sa musique (choix des sujets et des formes, création de matériaux dérivés des rythmes et mélodies argentins). Dans cette ligne voient le jour les trois Pampeanas (no 1, pour violon et piano, 1947 ; no 2, pour violoncelle et piano, 1950 ; no 3, pour orchestre, 1954), la Sonate pour piano no 1 (1952), les Variations concertantes pour orchestre (1953) — l'une de ses œuvres les plus jouées, créée par Igor Markevitch —, le Concerto pour harpe (1956) — créé par Nicanor Zabaleta. Dans les années1960, Ginastera se démarque encore davantage des racines populaires de sa musique[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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