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ALBRECHT ALTDORFER. MAÎTRE DE LA RENAISSANCE ALLEMANDE (exposition)

La présence dans les collections publiques parisiennes de créations graphiques de toute première qualité – dessins, gravures sur bois ou sur cuivre – justifiait très largement la réunion, dans le cadre d’une exposition au musée du Louvre (prévue du 1er octobre 2020 au 4 janvier 2021) d’un ensemble impressionnant d’œuvres d’Albrecht Altdorfer, un des grands noms de cette Renaissance allemande riche de tant de chefs-d’œuvre dans la première moitié du xvie siècle.

L’architecture et le paysage

Albrecht Altdorfer, né vers 1480 et mort à Ratisbonne en 1538, tient une place majeure dans l’effervescence artistique du temps, et c’est très légitimement que l’on peut parler de Renaissance à propos de ces œuvres qui inscrivent les scènes dans une perspective désormais maîtrisée, dans un rendu parfait des architectures et dans un traitement du corps humain qui a conquis l’art du modelé et des proportions. Les paysages sont dominés non plus par le fond d’or du gothique tardif, mais par des ciels profonds, vibrants et aux tons changeants, et l’ouverture à la mythologie antique, qui n’était pas inconnue au Moyen Âge, vit ici d’une autonomie nouvelle. Car aux commandes des institutions religieuses, et à celles de certains fidèles pour leurs dévotions privées, s’ajoute alors la clientèle d’amateurs humanistes qui comprennent ces récits profanes plongeant dans l’histoire et les mythes de l’Antiquité.

<em>Le Christ prenant congé de sa mère</em>, A. Altdorfer - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Le Christ prenant congé de sa mère, A. Altdorfer

Altdorfer est pleinement peintre. Si le retable de l’abbaye autrichienne de Saint-Florian, de 1518 comme le paysage cosmique grandiose de la Bataille d’Alexandre, de 1529 (Alte Pinakothek, Munich) ne pouvaient voyager, des œuvres fameuses étaient présentes à Paris. Ainsi Le Christ prenant congé de sa mère, vers 1518-1520 (National Gallery, Londres), révèlent l’incroyable liberté de l’artiste, dans une association de sérénité et d’intensification de l’expression des émotions, à l’opposé du classicisme de Dürer. La disproportion et les raccourcis font vibrer le lien avec la nature qui habite l’arcade immense à travers laquelle se voit l’éclat du soleil couchant. La Sainte Famille avec un diacre, de 1507 (Kunsthistorisches Museum, Vienne), montre l’ouverture à l’art italien, tant dans la guirlande de feuilles et de fruits, que dans la reprise de plusieurs motifs présents dans des œuvres de Mantegna (1431-1506), un lien qui traverse toute l’œuvre d’Altdorfer. Mais ce regard porté sur la Renaissance au sud des Alpes est intégré dans une synthèse toute personnelle, animée par le puissant sentiment d’une nature à la fois habitée d’une vie propre et intense, et avec laquelle les figures humaines sont en profonde résonance. Certaines de ses œuvres traitent même de la nature en elle-même, et ont été reconnues comme les premiers paysages autonomes dans la peinture occidentale depuis l’Antiquité.

Dans le Saint Jérôme en pénitent, de 1507 (Staatliche Museen, Berlin), peinture que sa petite dimension permet d’identifier clairement comme une œuvre destinée à la dévotion privée, la barbe et les cheveux du saint offrent le même mouvement vital que les extrémités des branches pendant comme des lichens, tandis que le pelage du lion est en accord avec les veines du tronc d’arbre situé à l’arrière-plan. L’homme est ici en fusion avec la nature, que ce soit celle du rocher qui semble donner sa force au manteau rouge qui le couvre, ou celle des montagnes bleutées dans le lointain. C’est une vision panthéiste de l’Univers, mais un panthéisme chrétien, où l’humanité cohabite avec les puissances sauvages du monde sans les craindre, car elle y est accueillie. Le Retable de saint Jean-Baptiste, de 1526 (musée d’Unterlinden, Colmar), œuvre d’un anonyme du sud de l’Allemagne, reprend ces végétaux accrochés sur des arcs monumentaux en partie ruinés et s’ouvrant sur des ciels rougeoyants au cœur de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d’histoire de l’art à l’université de Lille

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<em>Le Christ prenant congé de sa mère</em>, A. Altdorfer - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Le Christ prenant congé de sa mère, A. Altdorfer