ALCHIMIE
L'alchimie arabe
Les travaux de Ruska ont établi que les Syriens n'ont pas été les seuls médiateurs entre la science grecque et la science arabe. Ils ont joué, sans doute, un rôle important et même capital en philosophie et en médecine, mais, en fait, les Persans (les Iraniens) furent les premiers maîtres des alchimistes et des hermétistes islamiques.
On peut situer cette transmission entre 750 et 800. L'ancêtre de la dynastie des ‘Abbāssides, qui régnaient alors, portait le titre héréditaire de grand prêtre d'un temple bouddhiste de Balkh, « la mère des cités », qui fut réédifié magnifiquement en 726. Là s'étaient conservées des traditions grecques et chrétiennes nestoriennes, mais aussi des traditions zoroastriennes et manichéennes.
La gnose alchimique islamique
Cette complexité d'apports et d'influences a fait de l'alchimie arabe une gnose ésotérique et initiatique d'une ampleur et d'une profondeur que l'on ne saurait comparer au douteux syncrétisme de l'hermétisme alexandrin.
On doit éviter de rapporter à des origines grecques ou égyptiennes littéraires un ensemble de connaissances transmises à la chrétienté médiévale et dont les origines initiatiques sont incontestablement islamiques. En effet, si la partie magico-expérimentale de l'alchimie est archaïque, si elle remonte à la protohistoire, sa partie gnostique, telle qu'elle a été conservée par la tradition occidentale, est relativement récente puisqu'elle ne saurait être antérieure à l'élaboration de la gnose jâbirienne. Celle-ci est d'ailleurs très différente de l'interprétation alchimique d'un philosophe et médecin arabe comme Rhazès, laquelle, à de nombreux égards, est déjà préchimique et nettement exotérique.
Ainsi, dans la mesure où l'alchimie arabe a subi une influence iranienne prépondérante, comme le prouvent les nombreux mots persans qui lui servent à désigner les éléments et les corps chimiques, c'est l'Iran, et non pas la Grèce, qui avait gardé des traditions ésotériques dont l'origine mésopotamienne lointaine semble au moins probable.
C'est à Geber (Abu ‘Abd Allah Jābir ibn Hayyān al-Sufi), « roi des Arabes et prince des philosophes », que l'alchimie arabe a dû son renom extraordinaire, pendant tout le Moyen Âge. Les incertitudes d'attribution de ces œuvres à un auteur mettent en évidence le fait caractéristique d'une chaîne initiatique située sous un « saint patronage gnostique ». Corbin a bien montré que, parmi les rédacteurs possibles du corpus jabirien, « chacun avait à reprendre, authentiquement sous le nom de Jâbir, la geste de l'archétype ».
La science de la Balance jabirienne
L'œuvre considérable de Jābir ibn Hayyān, Geber en latin, compterait trois mille traités, s'il fallait en croire la tradition et même certains orientalistes. On a supposé que Jābir dont la naissance et la mort se situent, approximativement, entre 730 et 804, aurait été le nom choisi par les Ikhwān al Safā, les « Frères de la Pureté et de la Fidélité », qui eurent leur centre à Basra et y rédigèrent, au xe siècle, une encyclopédie. Traduite en persan et en turc, elle eut une influence considérable sur les penseurs et les mystiques de l'Islam. On retrouve, chez les Frères, la tendance à élever la conception néo-platonicienne des « nombres-idées » au rang d'un principe métaphysique, nommé la « Balance » (mīzān), bien que, chez Jābir, cette notion soit, à vrai dire, plus complexe, et plutôt ésotérique que philosophique. Ce mot est l'origine d'un ancien nom de l'alchimie, en langue franque, maza, cité par Berthelot, devenu massa, dans le Theatrum chymicum.
Selon la « science de la Balance », à toute genèse correspond une exégèse. Au « Livre du Monde », le [...]
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Écrit par
- René ALLEAU : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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