ROMANO ALDO (1941- )
En lui remettant, en 2004, le Jazzpar Prize, le violoniste danois Svend Asmussen l'a défini d'une phrase : « Vous avez été l'un des premiers musiciens européens à jouer du free jazz et l'un des premiers à vous en libérer, pour jouer du jazz en toute liberté. » Il est vrai qu'après avoir, à l'orée de sa carrière, brandi avec une certaine violence l'étendard de la révolte, le batteur, guitariste, chanteur, compositeur et chef d'orchestre italien Aldo Romano a su retrouver les bases fondamentales de la musique afro-américaine tout en s'évadant de son cadre traditionnel.
Aldo Romano naît le 16 janvier 1941 à Belluno, en Vénétie (Italie). Sa famille émigre en France alors que l'enfant n'a que sept ans. Après s'être essayé à la guitare, l'adolescent opte pour la batterie en 1961. Il se forme en autodidacte – guidé néanmoins par les conseils de Michel Babault et de Jacques Thollot – et manifeste la plus vive admiration pour Philly Joe Jones, Tony Williams, Elvin Jones, Ed Blackwell et Billy Higgins. Remarqué par Jackie McLean, avec qui il joue à l'occasion de l'un des passages du saxophoniste à Paris, il est engagé par le trompettiste Bernard Vitet, qui forme en 1965, avec le pianiste François Tusques et les contrebassistes Beb Guérin et Jean-François Jenny-Clark – qui devient l'ami de toute une vie –, l'une des premières formations free jazz du Vieux Continent. Sunny Murray exerce, à cette époque, une forte influence sur son jeu. Il fréquente l'avant-garde jazzistique (Don Cherry – Togetherness, 1965 ; Live at Montmartre, 1966 –, Gato Barbieri, Enrico Rava, Steve Lacy – Disposability, 1965 ; Sortie, 1966 ; Epistrophy, 1969 –, Michel Portal – Our Meanings and our Feelings, 1969 –, Barney Wilen...) mais côtoie tout aussi bien des musiciens appartenant à des tendances moins « aventureuses » (Carla Bley – Jazz Realities, 1966 –, Eddy Louiss, Jean-Luc Ponty, Phil Woods, Charles Tolliver...). Commence également une longue collaboration avec le pianiste Joachim Kühn. Avec lui, Aldo Romano se produit en 1967 au festival de jazz de Newport et enregistre les albums Transfiguration et Impressions of New York. L'année suivante, il figure sur l'album Dear Prof. Leary que signe Barney Wilen. Il retrouve Joachim Kühn en 1969 pour graver Sounds of Feelings et travaille également avec Keith Jarrett. Il s'associe avec le contrebassiste Henri Texier, le flûtiste Chris Hayward et le guitariste Georges Locatelli dans le groupe Total Issue, qui tente l'impossible synthèse entre les pulsions instinctives du free jazz et l'obsédante rythmique binaire du rock ; l'expérience tournera rapidement court. Aldo Romano mène alors une active carrière de sideman aux côtés de Jean-Luc Ponty, de Christian Escoudé, de Claude Barthélémy... En 1974, en compagnie du claviériste Jasper Van't Hof, du guitariste Philip Catherine et d'Henri Texier – rapidement remplacé par Jean-François Jenny-Clark –, il participe à la naissance du groupe Pork Pie. Enrico Rava l'engage – sans oublier son ami bassiste – dans le quartette qu'il constitue avec le tromboniste Roswell Rudd (Enrico Rava Quartet, 1978). Pour la firme Owl, il grave en 1980 Night Diary, où s'expriment aussi Bob Malik au saxophone ténor, Didier Lockwood au violon et Jaspar Van't Hof aux claviers, ainsi qu'Alma Latina (1983), qui permet de découvrir le talent de Jean-Pierre Fouquey et de Benoît Widemann aux claviers.
Aldo Romano élargit son public en développant un style moins intransigeant, plus assagi. Pendant trois ans, il fait partie, pour le concert comme pour le disque, du trio de Michel Petrucciani (Michel Petrucciani, 1981 ; Estate, 1982), et soutient les débuts du jeune saxophoniste Eric Barret. Il réunit de 1986 à 1993 un quartette[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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