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VAN EYCK ALDO (1918-1999)

Aldo Van Eyck a joué un rôle hors du commun sur la scène architecturale. Esprit libre et curieux, il a renouvelé les formes de son architecture pendant plus d'un demi-siècle, en restant fidèle à quelques principes : engagement social, attention portée à l'usager, tiers-mondisme, refus de l'académisme et de la hiérarchie. « Baba cool » avant la lettre, il a préfiguré l'utopie convivialo-proliférante des années 1970 en Europe.

Aldo Van Eyck est né à Driebergen aux Pays-Bas ; il passe son enfance en Angleterre, puis revient dans son pays natal en 1935. Il étudie l'architecture à La Haye, puis en Suisse à Zurich, au début des années 1940, et voyage en Afrique du Nord. Il s'intéressera toute sa vie à l'architecture sans architectes, celle des villages Dogons, des pueblos précolombiers ou des bidonvilles péruviens. En 1945, il s'installe à Amsterdam, et travaille à l'atelier public d'architecture, où il se spécialise dans les aires de jeu : il côtoie alors le mouvement Cobra et les situationnistes. Membre de Team X, il joue un rôle majeur dans la remise en cause de la doxa moderne et dans la dissolution des congrès internationaux d'architecture moderne (C.I.A.M.), notamment par ses articles dans la revue Dutch Forum au début des années 1960. Van Eyck est d'abord installateur d'expositions. Il participe dans les années 1950 à la création d'un village de polder à Nagele, pour lequel il dessine le plan-masse et construit trois écoles. La critique internationale a voulu y voir les prémices d'une architecture « structuraliste ». On pourrait aussi bien évoquer la tradition social-démocrate de l'entre-deux-guerres, et l'influence de Piet Mondrian ou de Bart Van der Leck.

En 1955, Van Eyck obtient la commande qui fera de lui une star internationale, le nouvel orphelinat municipal d'Amsterdam auquel il travaillera jusqu'en 1960. Il le rénovera en 1990, pour en faire une école d'architecture. Ce bâtiment marque une rupture radicale avec l'image institutionnelle de l'enfance malheureuse : il est formé par l'agglutinement de centaines de petits dômes et d'une dizaine de coupoles autour de patios et de cours intérieures. L'influence des casbahs algériennes est aussi évidente dans ce bâtiment que celle des maisons Jaoul du Corbusier. Van Eyck pensait y avoir mis en œuvre les concepts de « relativité architectonique » et de « réciprocité », « qui font de chaque maison une petite ville et de chaque ville une grande maison ». Chef-d'œuvre de réflexion constructive, l'orphelinat forme un ensemble à la fois clair et non hiérarchique. Ce souk organisé a été admiré et imité dans tous les pays occidentaux. Mais entre les mains d'architectes moins talentueux il a donné toute une série de crèches, d'écoles primaires et de centres sociaux proliférants, dont la convivialité supposée cache mal la pauvreté formelle.

De 1973 à 1980, Van Eyck se consacre à La Haye à une autre œuvre « sociale » marquante, le foyer Hubertus pour mères célibataires. Un demi-siècle après la création de la cité-refuge de l'Armée du salut à Paris par Le Corbusier, Van Eyck donnait aux « filles déchues » et à leur progéniture un foyer digne et gai, même si une certaine naïveté n'est pas absente du projet : le living des bambins figure en plan un ventre de femme enceinte. Très actif sur la scène architecturale « alternative », il participe à la reconstruction du quartier Nieuwmarkt d'Amsterdam, en collaboration avec Théo Bosch. Hamie Van Rojen, l'épouse de Van Eyck, joue ensuite un rôle actif dans l'agence : le couple réalise le siège de l'Agence spatiale européenne à Noordwijk (1989) et la clinique psychiatrique Padua de Boekelo. Aldo Van Eyck a relativement peu construit et n'a pas laissé d'œuvre théorique organisée, encore qu'il[...]

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