ALEMBERT JEAN LE ROND D' (1717-1783)
Le physicien et le mathématicien
En physique, d'Alembert s'est essentiellement consacré à l'étude de la mécanique et de l'astronomie, dans la suite de l'œuvre de Newton. S'il a consacré quelques mémoires à des problèmes d'optique et un essai tardif, en collaboration avec Bossut et Condorcet, à des Nouvelles Expériences sur la résistance des fluides, parues en 1777, ses recherches, de nature théorique, ont porté sur cette partie de la physique qui apparaissait déjà mathématisée et rationnelle : il ignora délibérément les phénomènes de la chaleur, de l'électricité et du magnétisme.
Son Traité de dynamique de 1743 propose une réduction et une unification de la mécanique des corps solides, en énonçant et démontrant le théorème général de la dynamique, qui est connu depuis lors comme « principe de d'Alembert » et qui fournit la loi de mouvements quelconques de systèmes soumis à des forces de liaison : ce faisant, il rapportait la dynamique tout entière aux seules trois lois du mouvement énoncées par Newton. C'est en appliquant à ce résultat la méthode des déplacements virtuels que Lagrange formula par la suite ses équations générales de la mécanique. Si d'Alembert fut arrêté dans cette direction par son refus de la notion de force, il sut appliquer son principe à de nombreux cas. Ses travaux en mécanique des fluides et en astronomie s'appuient d'ailleurs fondamentalement sur ce théorème.
En mécanique des fluides, d'Alembert réussit à fonder l'hydrodynamique sur les principes de la dynamique, c'est-à-dire à faire une science rationnelle et unifiée d'un domaine qui était jusqu'alors surtout empirique et qui réclamait des hypothèses particulières : cette tentative, ébauchée dans son travail de 1744, fut menée à bien dans l'ouvrage sur la résistance des fluides de 1752, par l'application directe de son théorème. C'est à Euler puis à Lagrange qu'il revint de parachever, sur ces bases, la formulation de l'hydrodynamique. D'Alembert rencontra dans ce travail le « paradoxe de d'Alembert », selon lequel certains corps, selon leur figure, pourraient se mouvoir dans un fluide sans rencontrer de résistance ; le paradoxe signale en fait les limites de la théorie classique et n'a été levé que par la théorie des sillages, qui fait appel à des solutions discontinues.
En astronomie, il présenta une solution approchée du problème des trois corps, en même temps que Clairaut et Euler et indépendamment d'eux. Les irrégularités du mouvement de la Lune étaient rapportées à la modification due à l'attraction solaire calculée en perturbation au moyen de l'analyse : la théorie newtonienne de la gravitation se trouva confirmée avec une précision remarquable. Les calculs effectués par d'Alembert de la précession des équinoxes et de la nutation de l'axe de la Terre (dues à l'action conjuguée du Soleil et de la Lune) sont aussi des applications remarquables du problème des trois corps et du théorème de la dynamique.
En mathématique, les contributions de d'Alembert ne furent pas moins importantes. C'est en 1746 qu'il donna une première démonstration du théorème fondamental de l'algèbre – une équation algébrique de degré n admet n racines réelles ou imaginaires – énoncé antérieurement, et repris plus tard par Gauss.
Etudiant, en 1747, le problème des cordes vibrantes, il fournit le premier exemple d'une équation d'onde avec sa solution générale, ce qui fait de lui le fondateur de la physique mathématique et, en tout état de cause, l'inventeur du calcul aux dérivées partielles, dont il développa dès lors systématiquement l'étude (notamment dans son Traité sur les vents). D'Alembert introduisit aussi à cette occasion, pour la première fois, les fonctions arbitraires,[...]
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Écrit par
- Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS
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