ALÉSIA
Premier site de l'histoire de la nation française, Alésia a été rendu célèbre par le fameux passage de la Guerre des Gaules (VII, 68-89) dans lequel César met en scène la défaite de Vercingétorix en 52 avant J.-C. Devenu « lieu de mémoire » et symbole national de la résistance à l'invasion, tout particulièrement depuis le xixe siècle, Alésia n'allait cesser d'être aussi un de ces sujets de querelles qui passionnent les Français et déroutent leurs voisins.
C'est Napoléon III qui a localisé le site sur le mont Auxois, à 70 kilomètres au nord-ouest de Dijon, après une série de campagnes de fouilles effectuées entre 1861 et 1865. L'empereur suivait en cela une tradition qui remonte à la translation des reliques de sainte Reine (ixe siècle) et que confirmait la découverte, au début du xixe siècle, d'une longue inscription en langue gauloise dans laquelle il apparaît très clairement que le site antique portait le nom d'ALIISIA. Contestées, les fouilles de l'empereur – dont les minutes n'ont été publiées qu'en 1989 – ont immédiatement donné naissance à une querelle durable, et qui a conduit à proposer successivement plusieurs centaines d'autres lieux, où l'archéologie n'a d'ailleurs jamais rien révélé de probant.
Le mont Auxois constitue en revanche un très beau site, naturellement fortifié par des corniches rocheuses qui dominent les vallées d'environ 150 mètres ; sa superficie de 97 hectares au sommet est à peu près le double de celle d'Avaricum/Bourges, du Titelberg (oppidum des Trévires) ou de la Marseille grecque, mais la moitié de celle de Bibracte (le mont Beuvray), le plus grand oppidum de la Gaule. Les fouilles les plus récentes (1991-1997) y ont révélé d'incontestables niveaux celtiques de la phase finale de La Tène, ainsi qu'un rempart de type murus Gallicus (mur en pierres sèches à poutres de bois, bien décrit par César), dont plusieurs tronçons sont aujourd'hui connus.
L'épisode du siège de 52 avant J.-C. constitue assurément l'élément majeur de l'histoire d'Alésia. Une exceptionnelle couverture de photographies aériennes ainsi que d'importantes campagnes de fouilles archéologiques menées depuis 1991 par une équipe franco-allemande ont permis de confirmer pleinement l'identification proposée par Napoléon III et en même temps de faire progresser très sensiblement nos connaissances. Plusieurs camps ont révélé un système de porterie typique de la fortification militaire romaine (clavicula, titulum) ; l'un d'entre eux a été identifié avec certitude comme celui de Labienus, grâce à des balles de fronde inscrites au nom de ce célèbre lieutenant de César. On observe en même temps une extrême variété des systèmes défensifs, qui changent de place en place en fonction de la topographie, de la nature de la menace, peut-être aussi des unités qui les ont mis en œuvre. César avait en effet bloqué les forces de Vercingétorix par une ligne fortifiée – la contrevallation – où l'on observe aujourd'hui la présence d'un rempart en mottes de gazon (technique romaine bien attestée et qu'on reconnaît notamment sur la colonne Trajane, à Rome) flanquée de tours, tous les 15 à 17 mètres, et précédée par un système de fossés et de pièges. Ces derniers alternent trous en forme de tronc de cône (lilia), petits fossés remplis de branchages entrelacés (cippi) ou pointes de métal fichées dans le sol (stimuli). Tous ces pièges, décrits par César, ont été récemment identifiés sur le terrain, ce que n'avait pu faire Napoléon III avec les méthodes archéologiques du xixe siècle. Les Romains s'étaient à leur tour protégés contre l'armée gauloise envoyée au secours de Vercingétorix en édifiant une seconde ligne – la circonvallation – de[...]
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Écrit par
- Michel REDDÉ : directeur d'études à l'École pratique des hautes études, vice-président du C.N.R.A.
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CIVILISATION ROMAINE (notions de base)
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