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CALDER ALEXANDER (1898-1976)

Un art-vérité

On frôlerait le lieu commun en attribuant certains caractères matériels de l'œuvre de Calder à un trait culturel, en les considérant comme relevant d'une « américanité ». Son usage de matériaux étrangers à la tradition artistique, ses recours permanents à toutes sortes d'expédients, sa capacité à inventer ses techniques et ses outils..., son pragmatisme, en somme, s'est d'abord développé dans le milieu familial où l'héritage de la culture pionnière a sans doute eu plus d'importance pour le futur artiste que celui de la culture académique – son père, Alexander Milne, et son grand-père, Alexander Stirling, furent deux sculpteurs officiels particulièrement doués. La première formation de Calder, reçue au Stevens Institute of Technology à Hoboken (New Jersey), fut technique et scientifique : il y prépara avec succès un diplôme d'ingénieur en mécanique entre 1915 et 1919. « Savoir faire, aussi bien que connaître » : la devise qui ouvre le livret de l'étudiant disait bien la philosophie pédagogique de l'établissement. On y apprenait à toujours soumettre à la pratique et à l'observation les données abstraites fournies par la science – la mécanique – qui étudie le mouvement, les forces qui le produisent et l'équilibre des corps. Le programme prévoyait de nombreuses heures de laboratoire, pour répéter les expériences, et d'atelier, pour se familiariser avec la manipulation des matériaux de construction et des outils permettant leur mise en œuvre. On peut ainsi évaluer ce qui a pu compter pour Calder dans cette formation à la fois théorique et technique : son aspect opératoire, son usage de notions à mi-chemin entre l'abstraction mathématique et le monde le plus concret, comme celles de force, de mouvement et d'équilibre, qui feront désormais partie, et pour longtemps, de l'univers conceptuel de Calder.

Ainsi, la structure du mobile est tout entière une réponse intelligente et pragmatique à des contraintes et à des interactions physiques, en particulier à celle, fondamentale et universelle, de la gravité. Calder se fait de la grande difficulté du sculpteur depuis toujours un atout pour atteindre son objectif : instaurer les possibilités d'apparition d'un mouvement réel. Le mobile tient en effet son mouvement de ce qu'une force externe (poussée, courant d'air) l'a provisoirement écarté de la position d'équilibre autour de laquelle il a été construit. Comme il est naturel dans un système dit stable, le mobile, rattrapé par la gravité, tend à regagner spontanément sa position primitive par une suite d'oscillations de plus en plus faible amplitude de part et d'autre de l'état d'équilibre – oscillations qui se répercutent dans toutes les parties de la structure grâce à ses articulations. Le mouvement du mobile est donc mouvement autour d'un point d'équilibre, recherche de l'état de repos, mouvement vers l'immobilité. Une fois ce point d'équilibre retrouvé, les conditions sont à nouveau réunies pour faire réapparaître le mouvement, dans un retour incessant des mêmes causes et des mêmes effets. Le terme de « mobile » dont Marcel Duchamp baptise ces œuvres en mouvement, lorsqu'elles sont exposées pour la première fois en 1932, n'est d'ailleurs pas qu'un jeu de mot sur son autre sens, « motif » ; c'est aussi une formule empruntée à la physique mécanique qui renvoie au fond d'imaginaire scientifique que partagent les deux artistes : « mobile », c'est-à-dire tout corps qui se meut ou qui est mû.

Son esprit pragmatique guide encore Calder dans la réalisation des grands stabiles, qui apportent le plus spectaculaire renouvellement à son œuvre dans l'après-guerre et jusqu'à la fin de sa vie (il meurt en 1976 à New York[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France

Classification

Média

Calder - crédits : Three Lions/ Hulton Archive/ Getty Images

Calder

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  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

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