BAUMGARTEN ALEXANDER GOTTLIEB (1714-1762)
Élève de Christian Wolff à Halle, Baumgarten fut très tôt marqué par la pensée de Leibniz, à laquelle il devait par la suite s'opposer, et par celle de son maître d'alors. Nommé professeur extraordinaire à Halle en 1737, puis professeur ordinaire à Francfort-sur-Oder en 1740, il se fit connaître en publiant, entre 1750 et 1758, les deux volumes de son Aesthetica dans laquelle, le premier, il employait le terme d'esthétique pour désigner la théorie du beau. Il avait auparavant publié un premier texte touchant ce sujet, les Meditationes philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus (1735), puis une Ethica philosophica (1740). Par la suite, il publia diverses autres études, notamment l'Acroasis logica (1761) ; le Jus naturae, la Philosophia generalis et les Praelectiones theologicae ne parurent qu'après sa mort.
L'esthétique de Baumgarten se veut un complément de celle de Wolff, qui ne traitait que de la connaissance supérieure produite par l'entendement et la raison. Les sens et la connaissance qui en découle permettent, selon Baumgarten, d'envisager une autre « logique » et une gnoséologie inférieure, qu'il s'attache à théoriser : « Comme il existe une psychologie qui fournit des principes certains, je ne doute pas qu'il puisse exister aussi une science susceptible de guider la connaissance inférieure, en d'autres termes, une science de la connaissance sensible. » Il tente d'abord de définir aussi clairement que possible ses concepts : ainsi le beau est considéré comme « la perfection de la connaissance sensible en tant que telle ». Mais le sensible n'est l'objet ni de l'entendement ni de la raison : connu dans la sensation et par l'entremise de l'imagination, il n'est ni un pur donné présent dans la chose elle-même, ni l'objet d'une pure création de l'homme, mais le résultat d'une synthèse particulière, harmonie des choses et des pensées. La création artistique est donc autant d'imagination que de reproduction ; l'œuvre doit être à la fois fidèle à ce qu'elle prétend représenter et créatrice en constituant une synthèse nouvelle plus riche que le donné. Alors seulement elle constitue un véritable « concept sensible », particulier comme l'est l'objet de la sensibilité et général comme celui de l'entendement. Par cette théorie, qui tranchait sur la réflexion courante de l'Aufklärung en ce domaine, Baumgarten s'oppose à la fois à la philosophie rationaliste de tendance leibnizienne et aux théologiens rigoristes. Contre la première, il réhabilite la sensibilité et la spéculation sur la nature du beau en affirmant la nécessité de ne laisser aucun domaine hors de la réflexion philosophique (et en cela il rappelle Shaftesbury) ; contre les autres, il rappelle la fonction cathartique de l'art, qui, en élevant les facultés sensibles vers l'universalité et la moralité de la raison, sert la civilisation et l'amour du bien. Baumgarten affirme même que, dans sa perfection, l'art n'a besoin d'aucun idéal ni d'aucune loi que les siens, la poursuite de la beauté ne pouvant que servir la moralité. Par ses analyses de la finalité esthétique autant que par sa tentative de clarification des concepts esthétiques, Baumgarten devait préparer la Critique de la faculté de jugerde Kant.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Olivier JUILLIARD : écrivain
Classification
Autres références
-
ART (Aspects esthétiques) - Le beau
- Écrit par Yves MICHAUD
- 5 576 mots
- 6 médias
Le terme est introduit par le philosophe allemandA. G. Baumgarten (1714-1762), dans ses Meditationes Philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus (1735). Il distingue entre des noeta, des choses pensées, à connaître par une faculté supérieure et relevant de la logique, et des aistheta,... -
BEAU ET LAID (philosophie)
- Écrit par Olivier TINLAND
- 1 417 mots
La dichotomie du beau et du laid trouve en philosophie son illustration première dans la figure de Socrate, personnage énigmatique et contradictoire aux yeux de ses contemporains fascinés par la beauté des formes corporelles et artistiques : Socrate, en effet, est à la fois celui qui a la plus belle...
-
ESTHÉTIQUE - Histoire
- Écrit par Daniel CHARLES
- 11 892 mots
- 3 médias
En réponse à Leibniz, Baumgarten élabore, dans un ouvrage précisément intitulé Aesthetica (1750), la notion d'une faculté esthétique propre au sujet humain comme tel. Cette faculté, dénommée cognitio sensitiva perfecta, est définie comme intermédiaire entre la sensation (obscure, confuse)...