Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

KLUGE ALEXANDER (1932- )

Alexander Kluge - crédits :  aslu/ ullstein bild/ Getty Images

Alexander Kluge

Le cinéaste allemand Alexander Kluge est né en 1932 à Halberstadt (Saxe-Anhalt). Après avoir suivi des études de droit, il devient assistant de Theodor W. Adorno, puis stagiaire de Fritz Lang lors du tournage en Allemagne du Tigre du Bengale et du Tombeau hindou. De cette période date sa vocation cinématographique qui le conduit à réaliser en 1961 son premier court-métrage, Brutalité dans la pierre, qui met en relation l’architecture nazie et le poids du passé dans la République fédérale d’Allemagne (R.F.A.). En 1962, il signe le manifeste d’Oberhausen où de jeunes cinéastes et artistes réclament de nouveaux moyens publics pour s’affranchir des recettes d’un cinéma commercial sclérosé. Cinquante ans plus tard, Kluge est un des intellectuels allemands les plus importants par ses films et ses nombreux ouvrages, nouvelles et essais philosophiques.

Un héritier de Brecht

Son premier-long métrage, Anita G. (1966), brosse le portrait d’une jeune femme d’origine juive qui a quitté l’Allemagne de l’Est et cherche avec difficulté sa place dans la société de l’Allemagne de l’Ouest. Les films suivants, Les Artistes sous le chapiteau : perplexes (1967) et Travaux occasionnels d’une esclave (1973) auront également une femme rebelle pour personnage principal. Kluge impose son style, qui privilégie le morcellement narratif, l’insertion d’images d’archives et la dérision. En 1975, Ferdinand le radical, à l’intérieur d’un récit plus classique, propose une fable quasi brechtienne sur l’obsession sécuritaire de l’époque.

Trois films collectifs dont Kluge est le maître d’œuvre vont marquer la fin des années 1970. L’Allemagne en automne est, en 1977, la réponse des cinéastes à la violence terroriste et à celle de l’État, qui ont culminé quelques mois auparavant avec l’assassinat de Hanns-Martin Schleyer, « patron des patrons » allemands, le détournement d’un avion à Mogadiscio et la mort dans la prison de Stammheim d’Andreas Baader et de Gudrun Ensslin, dirigeants de la Fraction Armée rouge. Volker Schlöndorff et Rainer Werner Fassbinder, entre autres, collaborent à cette œuvre où Kluge filme les obsèques officielles de Schleyer et celles de Baader et Ensslin. Le Candidat est un film de combat qui vise à empêcher la victoire du candidat de droite, Franz Josef Strauss, à la chancellerie. Enfin Guerre et Paix condamne en 1983 la course aux armements et décrit une Allemagne divisée entre les deux blocs, les États-Unis et l’Union soviétique.

Tissés de matériaux hétérogènes, quatre films complexes sont consacrés jusqu’en 1986 à l’impossible deuil de l’histoire allemande, à la dislocation des relations amoureuses dans le monde contemporain, et à l’emprise du temps capitaliste sur le temps humain. Ce sont La Patriote (1979), Le Pouvoir des sentiments (1983), L’Attaque du présent contre le temps qui reste (1985) et Informations mêlées (1986). Alexander Kluge s’écarte ensuite des salles pour fonder sa propre société de production, dctp.tv, qui va réaliser des films destinés aux programmes culturels que les nouvelles chaînes privées sont tenues de diffuser. Il va ainsi élaborer avec succès, au cœur même de l’univers du « tout à l’image » qu’il dénonce depuis longtemps, une stratégie de résistance et mettre en place son propre espace de réflexion et de propositions. Kluge y interviewe les artistes et les penseurs de l’Allemagne réunifiée et y défend les plus intéressants cinéastes allemands d’aujourd’hui : Romuald Karmakar, Christian Petzold, Christoph Hochhäusler. Il s’y moque aussi bien de l’actualité du pouvoir que des grandes figures de l’histoire.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : enseignant en cinéma à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle et à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot

Classification

Média

Alexander Kluge - crédits :  aslu/ ullstein bild/ Getty Images

Alexander Kluge

Autres références

  • ALLEMAND CINÉMA

    • Écrit par et
    • 10 274 mots
    • 6 médias
    ...traditionnel, en déclin non seulement esthétiquement mais économiquement. Stimulés par l'accueil que reçoivent les premiers longs-métrages des nouveaux venus, Anita G. (Abschied von Gestern, 1966) d'Alexander Kluge et Les Désarrois de l'élève Toerless (Der jungeTörless, 1966) de Volker Schlöndorff,...
  • SCHLÖNDORFF VOLKER (1939- )

    • Écrit par
    • 972 mots

    Accompagnant l'évolution du cinéma allemand depuis le milieu des années 1960, Volker Schlöndorff est l'un des (rares) « passeurs » du cinéma entre la France et l'Allemagne ; il est aussi un authentique représentant du cinéma d'auteur, et ne s'est jamais désintéressé des conditions de la production....