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ALEXEIEFF ALEXANDRE (1901-1982)

Alexandre Alexeieff est né à Kazan (Russie) le 18 avril 1901. Après les premières années passées à Istanbul, où son père est attaché militaire, il intègre le corps des cadets de Saint-Pétersbourg. Arrivé en France en 1921, il s’installe bientôt à Paris. Dessinateur, graveur et à ce titre illustrateur de Malraux aussi bien que des « classiques » russes (1922-1925), et plus tard de Pasternak, il travaille également comme décorateur de cinéma. Après avoir vu L'Idée de Bartosh et Masereel (1931), à l'éclairage contrasté fort rudimentaire, il conçoit, bien plus en opposition qu'en filiation, un procédé original de filmage du dessin : « l'écran d'Alexeieff » est une planche percée de plusieurs centaines de milliers de trous, où s'enfoncent à volonté, plus ou moins profondément, autant d'épingles qui, éclairées en lumière frisante, permettent de moduler à la fois le relief et le clair-obscur. Le procédé maintient un certain statisme, mais introduit dans le film « image par image » une variété d'éclairage et une appréhension des atmosphères inconnues jusqu'alors ; sans compter une profondeur de champ qui n'implique pas le recours, aléatoire autant que dispendieux, à des maquettes spéciales.

C'est ainsi qu'Alexeieff présente en 1933 Une nuit sur le mont Chauve (sur une musique de Moussorgski) qui devient aussitôt un classique de l'animation. Après plusieurs autres films réalisés par le même procédé, dont La Belle au bois dormant (1936), Alexeieff doit gagner le Canada (1940) où il réalise En passant (1943). De retour en France, il diversifie sa production, s'intéressant au film de marionnettes et, surtout, au film publicitaire. Il y emploie quelquefois l'écran d'épingles et, face au nouveau défi de la couleur, invente en 1947 un procédé de « totalisation » de l'image, fondé sur le mouvement pendulaire. Il en tire le générique, resté longtemps fameux, de la société de distribution Cocinor, ainsi que des courts métrages vantant de préférence les accessoires du charme féminin, qu'il s'agisse d'un savon (Pure Beauté, 1954 ; Baind'X, 1958) ou de diverses marques de lingerie (Rimes, 1954 ; Constance, 1956 ; Anonyme, 1958). Ces films, sans autres moyens que des silhouettes entrevues, un coloris raffiné, un mouvement dont la virtuosité rythmique présage certains travaux plus étourdissants encore d'Averty ou de Reichenbach, dégageaient un érotisme et une tendance à l'abstraction caractéristiques d'un esprit cultivé.

Alexeieff n'a jamais craint de se référer à des autorités étrangères à sa spécialité pour fonder ses ambitions ; qu'il s'agisse de Bergson ou de certains musiciens comme Haydn (la Symphonie-Surprise). Le technicien tient à faire savoir qu'il est aussi artiste et sa modestie tempérée d'humour peut revendiquer une filiation remontant à Vinci et surtout à Seurat. C'est en effet à cette méthode qu'Alexeieff revient pour ses derniers travaux : le générique angoissant qu'Orson Welles lui demande pour Le Procès (1962), puis Le Nez (1963) : avec ce moyen métrage qui illustre le roman satirique et fantastique de Gogol, et auquel on ne saurait reprocher sa saisissante littéralité, Alexeieff signe, trente ans après Une nuit sur le mont Chauve, son second chef-d'œuvre. Or le film fut froidement reçu au festival de Tours et son auteur ne tarda pas à faire retraite sans avoir réellement fait école. L'oubli dans lequel il se laissa enfermer dès lors, pour relever probablement de l'amertume, n'en est pas moins injuste.

Alexandre Alexeieff est mort à Paris le 9 août 1982.

— Gérard LEGRAND

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  • CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'animation

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    ..., à l'aide de transparences brumeuses, les formes puissantes et tragiques de Franz Masereel. Sur un instrument original, l'écran d'épingles, Alexandre Alexeieff et Claire Parker parviennent à animer les qualités de la gravure dans Une nuit sur le mont Chauve (1933). Les fonds crayonnés et...