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BLOK ALEXANDRE (1880-1921)

La poésie comme musique

Blok est un pur lyrique. Il avoue que tous ses vers écrits depuis 1897 peuvent être considérés comme un journal intime. L'essentiel de son héritage poétique, à part quatre poèmes et cinq drames lyriques, se réduit à trois volumes de vers. « Tout l'univers du poète lyrique est dans son mode de perception », dit Blok (Du lyrique, juin-juill. 1907). Pour lui, c'est la musique qui est la substance du monde et il n'est pas de vraie poésie qui ne soit « imprégnée et saturée d'une obscure musique » (Carnets, 19 juin 1909). Pour lui est poète celui qui sait entendre et capter le « jamais entendu ». Dans son poème L'Artiste, Blok décrit le processus de la création artistique :

J'attends qu'effraye mon ennui mortel Le tintement léger, jusqu'ici jamais entendu. Est-ce un tourbillon venu de la mer ? Ou est-ce que les oiseaux du Paradis Chantent dans les feuilles ? Ou est-ce que le temps [s'arrête ? Ou est-ce que les pommiers de mai ont effeuillé Leur floraison de neige ? Ou est-ce un ange qui [vole ? Durant les heures qui portent l'universel S'élargissent les sons... le passé se mire passionnément dans le futur : Il n'y a pas de présent.(12 déc. 1913)

« Parvenue à sa limite, la poésie se noiera probablement dans la musique », écrit Blok (Carnets, 29 juin 1909). Personne n'a su mieux que lui « entendre ». Et, privé de sons, Blok cessera d'écrire, après janvier 1918 : la source de son inspiration est tarie, tous les sons se sont tus.

Rythmes

Ce qu'il percevait en sons, Blok le rendait en sons : s'il y a chez lui magie, cette magie est essentiellement musicale. La puissance de son lyrisme ne prenait pas tant racine dans ses mots que dans ses rythmes : les mots pouvaient être peu clairs et confus, ils portaient en eux des rythmes irrésistiblement contagieux. Le secret de Blok est mort avec lui. Il ne s'agit certes pas seulement d'allitérations, d'assonances, de répétitions de rimes ou de répétitions de mots, bien que Blok ait manié les unes et les autres avec une incroyable virtuosité. De l'obscur secret de la musicalité de Blok, ces procédés ne révèlent que peu de chose. Qu'il les dépasse de toute la mesure de son génie, il suffirait, pour s'en rendre compte, de se reporter aux plus expressives de ses harmonies figuratives, celles, entre autres, où s'inscrivent les rythmes des danses populaires et le son de l'harmonica qui les conduit (Adjuration par le feu et par les ténèbres, ix) ou celles qui prolongent, avec les accords de la guitare, le rythme des chants et des danses tziganes (Harpes et Violons, 19 déc. 1913) ; ou surtout celles de ses pièces où le sens des mots importe peu, où seule la musique est présente, où tout est immédiat, mais indéfinissable, mais intraduisible suggestion (notamment, dans le cycle Harpes et Violons, le poème du 22 mai 1908 qui n'est plus de la poésie mais de la pure musique).

La perfection du Troisième Volume de vers (1907-1916) est l'aboutissement d'une progression qu'on va tenter de retracer.

La musique du Premier Volume de vers (1898-1904) est encore rudimentaire, floue et comme traversée du « déjà entendu » des romances. Mais la romance se fait souvent hymne ou cantique.

L'éternel féminin

Le cycle le plus important de ce premier recueil est le cycle des Vers à la Belle Dame. Blok aimait à répéter que sa poésie ne pouvait être comprise et appréciée que par ceux qui partageaient son expérience mystique. Cette affirmation est particulièrement justifiée en ce qui concerne le Premier Volume de vers. Pour être compris, il a besoin d'être interprété. Blok donne lui-même cette interprétation dans un article de 1910, De l'état actuel du symbolisme russe, qu'il qualifia de « Baedeker » servant à expliquer sa poésie. Les [...]

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