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BLOK ALEXANDRE (1880-1921)

L'homme d'une seule vision

Blok a beaucoup écrit en prose. Ses articles et comptes rendus critiques remplissent cinq volumes de ses œuvres complètes. Presque tous ces articles sont étroitement liés à sa poésie. Presque tous peuvent être intitulés « articles lyriques ».

En premier lieu, l'un d'eux porte le titre De l'état actuel du symbolisme russe (8 avr. 1910). Dans ce long essai, Blok ne raisonne jamais de façon logique, ne tente pas de prouver quoi que ce soit, mais se contente de montrer, en une série de tableaux, le processus de sa création poétique. C'est une sorte de film de la création symbolique qui se déroule devant nous. Le poète symboliste est « un théurgiste, possesseur d'un secret savoir, derrière lequel se tient un acte secret ». À un moment donné, « le théurgiste répond aux appels [...] La tempête a déjà touché le Visage radieux, il est presque incarné [...] Comme s'il était jaloux du théurgiste solitaire à l'égard de la clarté d'Aurore, quelqu'un traverse le fil d'or des miracles en fleurs [...] Les mondes qui avaient été traversés de sa lumière dorée perdent leur nuance pourpre ; comme à travers une digue rompue, se précipite le crépuscule bleu-violet du monde avec un accompagnement déchirant de violons et de mélodies semblables à des chansons tziganes. Si je peignais un tableau, j'aurais représenté les sensations de ce moment de la manière que voici : dans le crépuscule violet du monde impossible à étreindre, se balance un immense catafalque blanc sur lequel est étendue une poupée morte, avec un visage rappelant confusément celui qui transparaissait à travers les roses célestes [...] L'épée d'or s'est éteinte. Les mondes violets se sont engouffrés dans mon cœur, tout y est également enchanté : Je ne distingue pas la vie du rêve ni de la mort, ni ce monde-ci des autres mondes. »

Il y a un autre cycle d'œuvres en prose qui semblent traiter de sujets qui n'ont rien de commun avec le lyrisme. Il s'agit de la série d'articles intitulés La Russie et l'intelligentsia. Ces articles ont été écrits entre 1907 et 1918 ; ils témoignent du monolithisme de Blok et de la permanence de ses idées. Ces idées sont peu nombreuses, peu variées, peu motivées. Mais elles font partie de cet étroit univers blokien qui, dans son fond, est toujours resté le même. Bien qu'à partir de la révolution de 1905, Blok se soit éloigné du mysticisme candide et éthéré de son adolescence, il reste un mystique. Avec cette différence que sa mystique n'est plus consolante mais, au contraire, désespérée. Blok a toujours été l'homme d'une seule vision, d'une seule passion : « Né par une nuit obscure, j'ai vu le rayonnement d'une étoile et j'ai tendu les bras vers elle, vers elle seule » (1907). Cette « étoile » restera unique pendant toute sa vie. Simplement, elle changera de visage. Après les événements de 1905, Blok prend, toujours à sa manière, conscience des réalités sociales et nationales. Son étoile, c'est maintenant la Russie. La Russie de Blok est très particulière et difficile à définir. Sa conception de la Russie, de ses destinées, de son peuple, relève d'un esthétisme mystique où sont très perceptibles les influences d'Oswald Spengler (1880-1936) et surtout de Nietzsche.

Culture et civilisation

C'est à La Naissance de la tragédie de Nietzsche que Blok emprunte une de ses idées centrales : l'opposition entre la culture et la civilisation. Pour Nietzsche, la culture est une création irrationnelle grâce à laquelle l'homme se rattacherait aux forces primitives du Cosmos, révélées à l'oreille de l'artiste par la musique (« Le monde est une musique concrétisée. La musique est le noyau des choses, l'essence intime des phénomènes. ») La culture est dionysiaque.[...]

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