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DUMAINE ALEXANDRE (1895-1974)

«  La cuisine se prépare et ne peut être improvisée. » C'est sur cet aphorisme fondé sur plus d'un demi-siècle d'apostolat culinaire qu'Alexandre Dumaine a, dès son plus jeune âge, déterminé sa vocation. Ce monstre sacré de notre gastronomie est né et mort à Digoin (Saône-et-Loire), Venise rustique et bourguignonne cernée par la Loire et d'exquises rivières.

Inspiré par la ferveur du culte de la table, Alexandre Dumaine entre, dès l'âge de douze ans, dans les cuisines d'un maître queux réputé, Louis Bonneval, patron de l'hôtel de la Poste à Paray-le-Monial, cité médiévale et mystique à quelques lieues de son village natal. Il y acquiert les principes essentiels de cette science gourmande qui devait s'avérer sa raison de vivre. Ensuite, c'est très vite la conquête de Paris, où Alexandre a l'honneur d'être tout de suite agréé par des chefs prestigieux : Léopold Mourier et Tony Giraud l'acceptent dans leur brigade du café de Paris, une des plus fameuses enseignes de la Belle Époque : il y acquiert sa maîtrise professionnelle et grimpe, de grillardin à saucier, tous les échelons. La Première Guerre mondiale interrompt cette merveilleuse formation et Dumaine se retrouve au 58e R.A.C. (régiment d'artillerie coloniale) où un gourmand colonel le charge d'organiser un repas impromptu pour le président Georges Clemenceau en inspection sur le front de Champagne !

Tout de suite après la victoire de 1918, John dal Piaz, président de la Compagnie transatlantique, demande à Dumaine d'assurer l'administration et la réputation gourmande de toute une chaîne hôtelière qu'il vient de créer en Afrique du Nord. Alexandre réussit merveilleusement dans ce poste de confiance, précieusement secondé, il est vrai, par Jeanne, sa jeune épouse, Digoinaise elle aussi, qui devait devenir, par la suite et à ses côtés, « la grande lady de la cuisine française », selon le gastronome bourguignon Louis Gueriet. Au bout de dix années de succès touristiques et gourmands, les époux Dumaine aspirent à retrouver leur province d'origine et quittent l'Algérie.

En 1932, les voici donc établis, à leur compte, sur ces arides plateaux reliant l'âpre Morvan aux joyeuses vignes de la Bourgogne en ce très ancien relais de poste de Saulieu, l'hostellerie de la Côte-d'Or. Le souriant accueil de Jeanne, le génie culinaire d'Alexandre imposent très vite cette enseigne comme un des hauts lieux de la cuisine française entre Paris et Lyon. Le rigoureux Club des cent en fait une de ses étapes familières et gourmandes ; il est bientôt suivi par les élites épicuriennes du monde entier, qui s'y donnent rendez-vous pendant trente-deux ans, du roi d'Espagne Alphonse XIII au général Juin en passant par l'Agha Khan, Curnonsky, prince élu des gastronomes, Sacha Guitry, Colette, Marcel Pagnol, Orson Welles, Édith Piaf, Raoul Dufy... Bref, les plus illustres représentants de tous les arts se sont attablés à la Côte-d'Or, pour savourer la timbale de brochet éminence, la terrine de bécasse chaude au chambertin, la poularde à la vapeur, le gâteau du prélat, etc.

À peine installé, Alexandre Dumaine est distingué par la triple constellation du Guide Michelin et, le 19 juin 1936, un ministre lui décerne la Légion d'honneur avec le beau titre de « cuisinier ». Vers 1964, Dumaine et sa femme prennent une retraite méritée en leur ville natale de Digoin.

— Henry CLOS JOUVE

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Écrit par

  • : président des chroniqueurs de la gastronomie et du tourisme

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