DUMAS ALEXANDRE (1802-1870)
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Le mélodrame héroïque
C'est seulement quelques mois plus tard que le jeune auteur acquiert en une soirée la célébrité, le 10 février 1829, lorsque se donne à la Comédie-Française la première représentation d'Henri III et sa cour, drame en prose, qui affronte passions privées et lutte pour le pouvoir politique. La représentation s’avère un triomphe. Sur le champ de bataille, où classiques et romantiques en viennent désormais aux mains, Dumas est nommé de facto général des troupes de la nouvelle génération qui se rue à l'assaut de cette Bastille théâtrale qu'est la Comédie-Française. Surpris par la révolution de 1830, Dumas se jette dans le mouvement avec enthousiasme, par antipathie pour les Bourbons qui bâillonnent la pensée, par amour de la liberté, mais peut-être aussi par simple besoin d'épancher l'énergie qui bouillonne en lui. Courant Paris insurgé, tirant sur les soldats du roi, improvisant une expédition pour s'emparer d'un dépôt de poudre, il mûrit une conscience politique : sa conviction est que l'ère de la république est arrivée. Dumas devient un écrivain engagé, même si cet engagement ne va pas parfois sans accommodements.
La révolution de 1830 n'a pas profité à qui l'a faite : Dumas connaît le désenchantement politique en même temps que la fin des illusions littéraires. En effet, la prise de la Comédie-Française n'a constitué qu'une victoire provisoire. Rejetés par des comédiens, qui répondent mal à leurs exigences de renouvellement dramatique, Hugo, Vigny, Dumas se replient sur les Boulevards. Comme en réponse au malaise qui l'habite, le drame de Dumas, marqué par de premières collaborations (Napoléon Bonaparte, ou Trente Ans de l'histoire de France, 1831 ; Térésa, 1832 ; Angèle, 1834), est frappé toujours davantage au coin de la violence, qui s'exprime en particulier dans Antony (1831), « scène d'amour, de jalousie, de colère en cinq actes », et dont le héros est un bâtard. Cette pièce-phare de la génération romantique, dans laquelle l'auteur montre que « le cœur bat d'un sang aussi chaud sous un frac de drap que sous un corselet d'acier », éclairera la voie théâtrale des décennies suivantes : « Dumas [...] a donné au théâtre des éléments nouveaux qui ont permis à toute une génération d'auteurs dramatiques de quitter les voies où le vieux mélodrame, où la tragédie caduque se traînaient en boitant et tombaient à chaque pas » (Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires).
Sur le boulevard, Dumas, servi par des comédiens qui ont du génie (Marie Dorval, Mademoiselle George, Frédérick Lemaître, Bocage), enthousiasme un public plus large et plus jeune, séduit par le mouvement frénétique de ses drames qui doivent beaucoup au mélodrame. La Tour de Nesle (1832), par exemple, soulève l'enthousiasme des foules populaires avant d'être interdite par la censure. Toutefois, l'ascension de l'auteur dramatique se heurte à de premiers échecs (Catherine Howard, 1834 ; Don Juan de Marana, 1836), qui sonnent la fin de la révolution littéraire. Le créateur se retire alors de la scène, acceptant en juin 1836 la fonction de critique dramatique à La Presse, nouveau journal fondé par Émile de Girardin.
Résigné au compromis, Dumas propose ensuite au Théâtre-Français une tragédie, Caligula (1837), qui sombre sous le poids de sa démesure, et des comédies, qui semblent présager un renouveau personnel (Mademoiselle de Belle-Isle, 1839 ; Un mariage sous Louis XV, 1841 ; Les Demoiselles de Saint-Cyr, 1843). Il se détourne pourtant de la scène qui lui a tout appris, et n'y reviendra que lorsque, maître du feuilleton, il fondera le Théâtre-Historique (1847), sur lequel il produira ses héros de romans popularisés par les grands journaux : La Reine Margot, Le Chevalier de Maison-Rouge[...]
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Écrit par
- Claude SCHOPP : docteur ès lettres
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