DUMAS ALEXANDRE (1802-1870)
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Le Juif errant de la littérature
Dumas est mouvement. À une œuvre théâtrale éclatée correspond une vie amoureuse multiple et diverse : la liste de ses conquêtes n'a rien à envier aux mille et trois de son modèle, Don Juan ; ne citons que pour mémoire, dans cet infini chapelet : la lingère Laure Labay, mère de son fils Alexandre (1824) ; Mélanie Waldor, bas-bleu et Pygmalion ; la comédienne, Belle Kreilssamner, mère de sa fille Marie (1831) ; Ida Ferrier, enfin, qui seule accéda au rang d'épouse légitime. Dumas est un « aimeur », mais il a les amitiés plus fortes et plus constantes que les amours, surtout lorsque cette amitié se fonde sur l'admiration, comme celle qu'il éprouve pour Lamartine ou Hugo.
Après les déconvenues politiques, littéraires, personnelles ou financières, Alexandre Dumas cherche à fuir l'infernal chaudron parisien. En 1832, après les mois sinistres du choléra et les émeutes qui accompagnent les funérailles du général Lamarque, il part pour la Suisse. « Voyager, c'est vivre dans toute la plénitude du mot ; c'est oublier le passé et l'avenir pour le présent ; c'est respirer à pleine poitrine, jouir de tout, s'emparer de la création comme d'une chose qui est sienne » (Impressions de voyage, II). Il rapporte de ce premier périple des Impressions de voyage (1834-1837), et, en les rédigeant, se découvre, et découvre au lecteur un prosateur plein de « verve ». Quel charme fait de lui, aussitôt, selon le mot de Nerval, « un de nos plus célèbres écrivains touristes » ? C'est un mélange subtil et toujours surprenant : un récit picaresque de voyage dont le héros n'est autre que lui-même, considéré cependant avec la distance de l'humour par son double, le narrateur, lequel multiplie et entrecroise autour de ce récit premier d'autres narrations (épisodes ou chroniques historiques, contes et légendes des pays traversés, courtes nouvelles modernes). Il sera le Juif errant de la littérature, éternel voyageur à travers l'Europe : le Midi de la France (1834), l'Italie et la Sicile (1835), la Belgique, les bords du Rhin (1838), Florence (1840-1843), l'Espagne et l'Afrique du Nord (1846), la Hollande (1849), Londres (1857), la Russie, le Caucase, la Grèce (1858-1859), l'Italie du Nord (1860), la Sicile et Naples (1860-1864), l'Autriche et la Hongrie (1864-1865), l'Espagne à nouveau (1870).
Cependant, jamais Dumas ne parviendra à assouvir son désir d'Orient caressé pendant plus d'un quart de siècle, désir de « soulever sous [s]es pieds la poussière de deux ou trois civilisations ». Ses Impressions de voyage (Impressions de voyage. En Suisse, Le Midi de la France, Une année à Florence, Le Corricolo, Le Speronare, Le Capitaine Arena, Excursions sur les bords du Rhin, La Villa Palmieri, De Paris à Cadix, Le Véloce, ou Tanger, Alger et Tunis ; Nouvelles Impressions de voyage. De Paris à Astrakhan, Le Caucase) constituent un laboratoire narratif dans lequel l'écrivain a d'abord expérimenté les qualités qu'il mettra au service du roman.
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Écrit par
- Claude SCHOPP : docteur ès lettres
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