DUMAS ALEXANDRE (1802-1870)
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Épuiser l'histoire de France
Le prosateur n'est venu que timidement au roman, à travers le filon des chroniques historiques, dont le succès le décida, écrit-il, « à faire une suite de romans qui s'étendraient du règne de Charles VI jusqu'à nos jours ». Pourtant, c'est le succès prodigieux, dans le feuilleton du Journal des débats, des Mystères de Paris (1842-1843) d'Eugène Sue qui l'entraîne irrésistiblement dans la voie romanesque. Entre roman mondain, roman sentimental, roman fantastique, roman criminel, il hésite pourtant sur le genre à exploiter, avant de privilégier – après l'extraordinaire succès des Trois Mousquetaires, écrit en collaboration avec Auguste Maquet – le roman historique.
Les lecteurs dévorent ses romans proposés, à grand renfort d'annonces, par les principaux journaux du temps (le Journal des débats, La Presse, Le Siècle, Le Constitutionnel). Les grandes œuvres s'entremêlent à un train d'enfer : la trilogie des Mousquetaires (Les Trois Mousquetaires, 1844 ; Vingt Ans après, 1845 ; Le Vicomte de Bragelonne, 1847-1850), celle des Valois (La Reine Margot, 1844-1845 ; La Dame de Monsoreau, 1846 ; Les Quarante-Cinq, 1847-1848), la tétralogie des Mémoires d'un médecin (Joseph Balsamo, 1846-1848 ; Le Collier de la reine, 1848-1850 ; Ange Pitou, 1850-1851 ; La Comtesse de Charny, 1852-1855), sans oublier Le Comte de Monte-Cristo (1844-1846).
Ce qui au commencement n'était peut-être que stratégie éditoriale devient sa mission, celle « non seulement d'amuser une classe de nos lecteurs qui sait, mais encore d'instruire une autre qui ne sait pas ». Et c'est pour le peuple, dépossédé jusqu'alors de son histoire, qu'il écrit particulièrement, concevant le « Drame de la France », à personnages réapparaissant, sur le patron synchronique de La Comédie humaine. Dumas jouit d'une popularité incomparable, qui se double d'un rejet de la part des instances officielles de la littérature : accusation de « littérature industrielle », pamphlets comme Fabrique de romans : Maison Alexandre Dumas et Cie d'Eugène de Mirecourt (1845) qui dénonce en Dumas un chef d'exploitation coupable de faire écrire les livres qu'il signe par des auteurs besogneux.
À vrai dire, s'il a d'abord tenté de rejeter la collaboration – « les collaborateurs ne poussent pas en avant, ils tirent en arrière » –, Dumas a fini par céder à une pratique littéraire qui était pour le théâtre de son temps davantage la règle que l'exception. Pour ce qui concerne le roman, il n'a véritablement adoubé que deux collaborateurs successifs : Auguste Maquet et, plus tard, Gaspard de Cherville. Les mécanismes du travail en commun sont assez bien connus : sur une idée première, apportée par l'un ou par l'autre, Dumas et son collaborateur élaborent, au cours d'une séance de travail, un plan, parfois des « bottes de plans » lorsque plusieurs romans vont de conserve ; ensuite, Auguste Maquet rédige une première version qui, triplée ou quadruplée par Dumas, est remise aux directeurs des feuilletons.
Quoi qu'il en soit, sous le nom de Dumas se crée un genre : le roman théâtral historique, qui se développe par scènes admirablement dialoguées, un genre – qui n'a d'autres règles que d'amuser et intéresser – dont il demeure l'incontestable maître.
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Écrit par
- Claude SCHOPP : docteur ès lettres
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