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MEDVEDKINE ALEXANDRE IVANOVITCH (1900-1989)

Alexandre Medvedkine homme d'un seul film ? Le Bonheur (1935) a eu une seconde vie rare au cinéma. Salué à son apparition par S. M. Eisenstein, dûment enfoui avec toute la mémoire du cinéma non-conformiste de l'Union soviétique, il a été redécouvert à la fin des années 1960 par Jacques Ledoux, de la Cinémathèque royale de Belgique, et Chris Marker lui a donné une notoriété méritée. Quand Medvedkine vint en France, il tire de leur rencontre un moyen-métrage, Le Train en marche (1971), qui, à travers lui, rendait hommage à toutes les avant-gardes soviétiques. Ce premier portrait trouvera son accomplissement dans un autre film de Chris Marker, Le Tombeau d'Alexandre (1992).

Dans ce contexte, la trajectoire de Medvedkine apparaît exemplaire : fils de paysans, il s'engage à dix-neuf ans dans la cavalerie de Boudienny. Il y monte des pièces jouées par des chevaux. Passé au service de la propagande de l'Armée rouge, il choisit bientôt le cinéma, est l'assistant d'un film légendaire et perdu, Le Chemin des enthousiastes (N. Okhlopkov), dont l'esprit satirique perdurera en lui. En 1931, il est chargé de la direction du ciné-train, un « atelier sur rails » de films satiriques, un circuit complet de production-diffusion de courtes bandes élaborées en sillonnant le pays, en réaction aux situations rencontrées sur le terrain, et projetées dès le lendemain pour « chercher des remèdes » avec les spectateurs. S'il ne subsiste rien des premiers courts-métrages réalisés par Medvedkine, quelques films du ciné-train ont été retrouvés (on en voit des extraits dans Le Tombeau d'Alexandre). Quatre ans plus tard, son long-métrage muet, Le Bonheur, montre comment le cinéma politique peut être synonyme d'invention foisonnante. Aujourd'hui, l'histoire du petit paysan qui part à la recherche du bonheur, se laisse toujours mener par les autres, et finit par être sauvé par le kolkhoze, fait à nouveau la joie des publics de nombreux pays.

Dans l'intervalle, la carrière de Medvedkine a été normalisée. Un second long-métrage, La Fabuleuse (ou La Faiseuse de miracles), a les mêmes charmes que Le Bonheur, mais souffre d'un retournage et d'un remontage évidents destinés – on est en 1936 – à le rendre plus « rationnel ». Un projet dont le titre indique la parenté avec son premier film, Le Soldat au paradis (avec Mikhaïl Romm dans le rôle de saint Nicolas), est interdit. Puis ce sont, de 1941 aux années 1970, des courts-métrages de propagande ou de satire. « La stylisation de l'affiche se combine à des détails quotidiens parfaitement concrets », écrit le critique soviétique Lev Rochal. Mais l'enthousiasme toujours intact du cinéaste s'accommode mal de sujets évoluant au gré de la politique extérieure soviétique : « le démantèlement du système colonial » dans La Loi de la lâcheté (1962), « la perfidie et 1'impuissance de l'impérialisme mondial » dans Amitié avec effraction (1965), « l'escalade de l'amoralité et le danger d'une nouvelle guerre mondiale » dans La Sclérose de la conscience (1968), pour finir avec la Lettre à mes amis chinois (1971).

Jusqu'à ses dernières années, Medvedkine espérera réaliser un autre projet personnel, Cette Sacrée Force. Mais il reste de lui plus qu'un film exceptionnel : l'utopie, qui se concrétise dans celui-ci, d'un cinéma en liberté, à la fois grave et drôle, politique et folklorique, documentaire et excentrique, réaliste et métaphorique.

— Bernard EISENSCHITZ

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    ...les très personnels Le Grand Consolateur de Koulechov, réflexion moderniste sur le récit, ou Okraïna de B. Barnet, récit de guerre et d'amour. Alexandre Medvedkine sillonne le pays avec un « ciné-train » qui traque la vie et les problèmes pour en discuter avec ceux qu'il filme : une dernière tentative...