OPARINE ALEXANDRE IVANOVITCH (1894-1980)
Alexandre Oparine est un biochimiste soviétique, né le 2 mars 1894 à Ouglitch, ville située au nord de Moscou sur la Volga, dans l’oblast de Iaroslav. Il est surtout connu pour avoir formulé, dès 1922, une théorie sur l’origine de la vie qui explicite, dans le contexte de l’environnement terrestre originel, le passage de molécules minérales à une « soupe prébiotique », mélange de molécules de complexité croissante qui aurait conduit à l’apparition inéluctable de formes vivantes.
L’ensemble de la carrière universitaire d’Oparine se déroule à Moscou. Il y reçoit le titre de docteur en 1917 avec une thèse menée dans le département de physique et de mathématiques. En 1922, il est introduit dans le laboratoire de physiologie végétale de l’université où il conduit des travaux sur le métabolisme des cellules végétales et s’intéresse aux questions agronomiques et nutritionnelles. Il devient titulaire de la chaire de biochimie végétale en 1929, directeur de l’Institut de biochimie de l’Académie des sciences en 1946 – poste qu’il occupera jusqu’à sa mort, le 21 avril 1980 – et membre titulaire de l’Académie des sciences de l’URSS en 1960. Décoré de l’ordre de Lénine, il est fait « héros du travail soviétique ». En 1976, le prix Kalinga de l’UNESCO lui est attribué et marque la reconnaissance internationale de ses travaux.
En cette trajectoire scientifique brillante, Oparine mène de front deux types de recherches. Le premier est relatif à l’enzymologie et au métabolisme des plantes. Ses études sur le métabolisme sont importantes, sans être majeures, et l’activité du laboratoire d’Oparine a contribué à la persistance d’une biochimie soviétique forte durant la période noire lyssenkiste, et au renouveau dynamique de la biologie soviétique après 1965. Jusqu’à la fin, Oparine restera actif en enzymologie et publie, en russe, sauf exception, de nombreux articles sur le métabolisme des sucres et le rôle des membranes. Pour autant que l’on puisse en juger par les résumés en anglais de certains de ses articles, ces travaux étaient de niveau international.
Une partie intéressante de son travail a porté sur des réactions enzymatiques qui sont réalisées à l'intérieur de systèmes acellulaires, globulaires, dont l'apparence visuelle mime l'aspect d'une cellule : agrégats de protéines ou de lipoprotéines, coacervats (mélanges de « substances albuminoïdes »), etc. Il s'agit d'une approche expérimentale rigoureuse liée à l’une de ses propositions fondamentales concernant l’origine de la vie, selon laquelle les macromolécules biologiques se seraient d'abord assemblées en globules, puis des réactions enzymatiques y auraient eu lieu, événements préfigurant l'apparition d'une cellule vivante. En effet, le second volet de l'activité d'Oparine concerne les hypothèses sur l’origine de la vie. La renommée d’Oparine est surtout due à ce second thème.
Dès 1922, Oparine présente, devant la société botanique de l’URSS, une première hypothèse sur la production de molécules organiques élémentaires, dans les conditions physicochimiques supposées de la Terre primitive et à partir des composants de l’atmosphère et d’autres contenus dans l’eau. En 1924, cette hypothèse sur l’origine de la vie est clairement formulée et publiée à Moscou sous le titre Proiskhozhdenie zhizni (« L’Origine de la vie »). Cet ouvrage sera réédité et augmenté plusieurs fois jusqu’en 1965 et traduit en anglais en 1938 (MacMillan, New York). Schématiquement, Oparine avance que les molécules organiques simples produites dans les conditions initiales de la Terre étaient rassemblées dans les océans et y gagnaient en complexité. Elles formaient des coacervats, agrégats de matière biologique qui, se nourrissant des substances présentes dans une « soupe primitive[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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