- 1. Comment nous est connue l'histoire d'Alexandre
- 2. Une expédition panhellénique pour libérer les Grecs d'Asie
- 3. La guerre contre le Grand Roi : la première phase
- 4. La guerre contre le Grand Roi : la seconde phase
- 5. La conquête de l'Iran oriental
- 6. La « conquête de l'Inde »
- 7. Vers un empire enfin organisé
- 8. Un empire immense et fragile
- 9. Bibliographie
ALEXANDRE LE GRAND (356-323 av. J.-C.)
Si tant d'écrits ont été consacrés à Alexandre III de Macédoine le Grand, c'est que le sujet n'a pas cessé d'attirer public et éditeurs. Encore faut-il remarquer que l'histoire du roi macédonien n'est qu'imparfaitement connue, et que les zones d'ombre ont laissé le champ libre aux interprétations – toujours contestables – et aux polémiques, pour ne rien dire d'une floraison d'ouvrages relevant du genre romanesque. Héros pour les uns, mégalomane pour les autres, et ce dès l'Antiquité, le plus connu des rois macédoniens a trop servi de référence au cours des siècles pour que les Modernes portent un jugement serein sur son œuvre. Or celle-ci a été diversement jugée, selon que l'on reproduisait des stéréotypes hérités des Anciens (victoire des « bons » Grecs sur les « méchants » Perses, idéalisme du roi-conquérant visant l'unification du genre humain, fin du monde des cités grecques indépendantes) ou du xixe siècle (colonisation par les Grecs, porteurs d'une civilisation supérieure, de vastes régions peuplées de « Barbares »). Si l'on fait abstraction de ces lieux communs, il reste que les conquêtes d'Alexandre modifièrent profondément l'équilibre des forces au Proche-Orient où l'Iran perdit la prédominance qu'il exerçait depuis Cyrus : il ne la retrouvera qu'avec les Parthes, deux siècles plus tard et elle fut d'ailleurs contenue par une Rome belliqueuse. Ces conquêtes modifièrent également le rapport des forces à l'intérieur du monde grec en faisant apparaître une disproportion, inconnue jusqu'alors, entre les royaumes hellénistiques, édifiés sur les ruines de l'empire d'Alexandre, et les vieilles cités, comme Athènes ou Sparte, qui, sans connaître un déclin aussi profond qu'on le croyait naguère, prirent du moins vite conscience d'une faiblesse résultant moins d'une « décadence » (dont on peut légitimement douter) que d'une réévaluation des critères de puissance. De ce fait, durant les deux siècles qui suivirent la mort d'Alexandre, l'histoire de la Méditerranée orientale se résuma aux luttes opposant ses héritiers hantés par le rêve de reconstituer l'Empire éclaté. Ce sont là des faits majeurs qui justifient un examen, forcément sommaire, des grandes phases d'un règne bref, mais riche de conséquences.
Comment nous est connue l'histoire d'Alexandre
Rappelons les données du problème historiographique. Le récit le plus ancien est celui du Sicilien Diodore, contemporain de César et d'Auguste. Plus appréciée des Modernes, l'Anabase d'Alexandre, œuvre d'Arrien de Nicomédie, qui exerçait de hautes fonctions sous Hadrien, n'en est pas moins postérieure d'un demi-millénaire aux événements qu'elle relate. Qu'il se réfère à ces auteurs, ou encore au Romain Quinte-Curce (qui vécut probablement sous Claude) ou au philosophe Plutarque, le lecteur moderne se retrouve donc confronté à des interprétations tardives, d'une fiabilité incertaine. Si, depuis le xixe siècle, l'on préfère Arrien, c'est qu'il s'inspirait de mémorialistes contemporains d'Alexandre, comme Ptolémée, le fondateur de la dynastie des Lagides, Néarque, proche collaborateur du roi et amiral de sa flotte, ou encore Aristoboulos, un technicien grec de son entourage. On se méfie en revanche de la « vulgate », tradition romancée représentée par les ouvrages du Grec Diodore et des Romains Trogue-Pompée (abrégé par Justin) et Quinte-Curce. Son créateur fut l'historien Clitarque d'Alexandrie qui vécut, semble-t-il, sous le règne de Ptolémée Ier. Or ces auteurs ne s'accordent pas toujours entre eux. Certes, leur objectivité n'est jamais assurée, d'autant qu'Alexandre fut mal vu des écoles[...]
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Écrit par
- Paul GOUKOWSKY : correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur de langue et littérature grecques à l'université de Nancy-II
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