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ALEXANDRE LE GRAND (356-323 av. J.-C.)

Vers un empire enfin organisé

L'éphémère et inutile « conquête de l'Inde » ne s'achevait donc point par un désastre. Mais l'absence du roi avait déstabilisé un empire à peine ébauché. L'année 324 fut occupée à rétablir l'autorité royale. Apprenant le retour d'Alexandre, Harpale s'était enfui vers la Grèce, qu'il tentait de soulever. Mais d'autres satrapes, macédoniens ou orientaux, s'étaient également affranchis : ordre fut donné à tous de licencier leurs mercenaires, souvent des Grecs exilés, qui regagnèrent la côte méditerranéenne, posant un grave problème, qu'Alexandre tenta de résoudre en invitant toutes les cités grecques à rappeler leurs bannis : elles s'exécutèrent.

Après avoir rétabli l'ordre et puni les serviteurs infidèles, Alexandre paraît s'être préoccupé des moyens de rendre son œuvre durable. On peut discerner au moins quatre directions dans son action, que nos sources peignent en termes trop anecdotiques. D'une part, il tenta d'unir les aristocraties macédonienne et perse par des mariages dont il donna l'exemple, épousant la fille aînée de Darius. Il s'employa d'autre part à renforcer son armée d'éléments nés en Asie : à court terme, il prépara l'incorporation de 20 000 jeunes Perses, entraînés par leur nouveau satrape, son ancien garde du corps Peukestas. S'y ajoutèrent 30 000 jeunes Asiatiques, choisis en 327-326 et formés aux techniques de combat macédoniennes. À plus long terme, il prévoyait d'enrôler les enfants (les plus âgés n'avaient qu'une dizaine d'années...) nés de ses soldats et de leurs concubines asiatiques : il leur donna le nom d'épigones. Restait le plus difficile : renouveler les Macédoniens. Tandis que Cratèros était chargé de conduire en Macédoine les vétérans démobilisés, Antipatros recevait l'ordre de rejoindre Babylone avec de jeunes recrues. Enfin, pour asseoir son autorité, Alexandre crut nécessaire de se doter d'un statut surhumain, exigeant des Grecs, en tant que « dieu invincible » (théos anikètos), un culte dont quelques exemplaires d'une monnaie (le « décadrachme de Porus », probablement frappé en 323) confirment la réalité.

Plusieurs de ces mesures furent mal accueillies. Antipatros, mécontent du rappel des exilés et inquiet de l'agitation en Grèce, refusa de venir à Babylone et ne fit rien pour recruter. Cratèros et ses vétérans se retrouvèrent bloqués en Cilicie. De son côté, Alexandre suscita le mécontentement des troupes en refusant de les ramener lui-même en Macédoine et en imposant la présence massive d'Orientaux dans leurs rangs et à sa cour (mutinerie d'Opis). Situation paradoxale que celle de ce fondateur d'empire, en froid avec la grande majorité de ses compatriotes et soutenu par l'élite des vaincus !

Un deuil frappa Alexandre à l'automne de 324 : Héphæstion, le fidèle exécutant de sa politique, mourut subitement à Ecbatane, où résidait la cour. Après avoir consulté l'oracle d'Ammon, Alexandre ordonna qu'on lui rendît un culte comme à un héros « qui écarte le mal » (alexikakos). On a parfois douté de cet épisode, dont un petit relief de marbre (fin du ive s. av. J.-C.) trouvé en Macédoine et dédié « au héros Héphæstion » confirme la réalité. Son apothéose fut célébrée à Babylone : un feu sacré, allumé au sommet d'une sorte de pyramide de briques, annonça que son âme était montée parmi les dieux.

Alexandre avait en effet regagné Babylone au printemps 323. D'innombrables ambassades vinrent le saluer. Tout en équipant sur l'Euphrate une flotte, dont Néarque devait prendre le commandement, il réorganisait une dernière fois son armée, où les Orientaux étaient désormais les plus nombreux. Son plan[...]

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Écrit par

  • : correspondant de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur de langue et littérature grecques à l'université de Nancy-II

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Médias

Alexandre le Grand - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Alexandre le Grand

-600 à -200. Philosophes et conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

-600 à -200. Philosophes et conquérants

Portrait d’Alexandre le Grand - crédits : T. Baggett/ Fotolia

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