SCRIABINE ALEXANDRE NIKOLAÏEVITCH (1872-1915)
Alexandre Nikolaïevitch Scriabine, né le 6 janvier 1872 d'un père diplomate et d'une mère pianiste, est certainement l'une des figures les plus originales de la musique russe du xxe siècle. À ses débuts, il appartient avec Sergueï Mikhaïlovitch Liapounov, Vladimir Ivanovitch Rebikov et Serge Rachmaninov au cénacle moscovite, de tendance cosmopolite, ayant subi l'influence de Chopin, de Liszt, de Wagner et, dans une moindre mesure, de Debussy. Mais, depuis la création de Prométhée ou Le Poème du feu en 1911 à Moscou, Scriabine est considéré en Russie comme le chef de file incontestable du courant moderniste, prenant en charge en même temps que Schönberg, mais pour des raisons différentes, la réorganisation de l'univers sonore.
Virtuose et compositeur
Dès son âge le plus tendre, Scriabine manifesta des dons exceptionnels en improvisant des fantaisies au piano ou en imaginant de petites pièces de théâtre. De 1882 à 1888, il fut un élève modèle de l'École militaire de Moscou, tout en préparant sous la direction de G. Conyous, de N. Zvérev et de S. Tanéiev son entrée au conservatoire de Moscou en 1888 où il continua ses études chez Vassili Safonov, Sergueï Tanéiev et Anton Stepanovitch Arenski, en même temps que Serge Rachmaninov. En 1892, muni d'une petite médaille de piano mais sans avoir obtenu la moindre récompense en composition, il quitta le conservatoire pour partager désormais son existence entre son activité de compositeur et sa carrière de virtuose itinérant. Ses premières tournées, pendant lesquelles il n'exécutait que sa propre musique, l'amenèrent en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et finalement à Paris où il devint en 1896 membre de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (S.A.C.E.M.). En 1898, il fut nommé professeur de piano au conservatoire de Moscou, poste qu'il conserva jusqu'en 1902.
Les œuvres (op. 1 à 29), composées pendant cette première période de sa vie, peuvent être considérées comme un fervent hommage au génie de Chopin. Le romantisme et l'affectivité de Scriabine s'y expriment à travers une harmonie tonale, mais souvent chromatisée, et une architecture formelle simple, inspirée des modèles épuisés de la musique de salon toujours en vogue en Russie à l'aube du xxe siècle. Les compositions les plus importantes de cette phase sont sans doute les Études, op. 8, les trois premières Sonates (op. 6, 19 et 23), les Préludes, op. 11, 15 et 16, son Concerto pour piano, ses deux symphonies op. 26 et op. 29, marquées plutôt par l'influence wagnérienne, ainsi qu'une série de mazurkas, impromptus et nocturnes. Ces œuvres furent éditées par le mécène Mitrofan Bélaiev qui avait fondé sa propre maison d'édition pour faire connaître la musique russe de son temps. Vers 1900, Scriabine avait adhéré à la Société de philosophie de Moscou, dirigée par Serguei Troubetzkoi, et il se plongera désormais dans l'étude d'ouvrages philosophiques.
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Écrit par
- Manfred KELKEL : professeur d'histoire de la musique à l'Université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en musicologie, docteur d'État ès lettres
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