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PAPADIAMANDIS ALEXANDRE (1851-1911)

Entré tôt dans la légende, ce nouvelliste « naïf » aux surnoms variés (« moine dans le monde », « saint des lettres grecques modernes », etc.) n'en demeure pas moins l'objet d'une longue controverse : grand écrivain pour les uns, il représente pour les autres un esprit rétrograde ou un prosateur monotone, sans technique ni évolution. Faut-il souligner que la polémique ainsi engagée autour de cette œuvre ne rend pas toujours compte de ses vraies dimensions ?

Sans doute Papadiamandis fut-il un outsider ; il allait à contre-courant : il opposa au vulgarisme triomphant son purisme, au positivisme sa religiosité, au progrès son conservatisme. Victime de la société plutôt que juge, il en illustre les profondes aliénations. S'il n'a pas pu donner de réponses satisfaisantes, il a posé pourtant, à sa façon, quelques questions pertinentes sur la vie et la littérature.

Une vie misérable

Né à Skiathos, petite île des Sporades, il était fils d'un pauvre prêtre orthodoxe, Adamantios (d'où son nom). On peut imaginer son enfance plus ou moins insouciante, au bord de la mer, parmi les enfants de marins ; son cousin A. Moraïtidis (1850-1929), qui suivit une carrière analogue, était un de ses camarades. Mais le fils du prêtre avait aussi d'autres occupations : il dessinait des images des saints et, naturellement, il assistait aux cérémonies de l'Église.

Jusqu'à l'âge de trente ans, Papadiamandis poursuivit non sans peine des études interrompues et inachevées. Il avait passé en sa vingt et unième année sept mois au mont Athos. « Moi, je me ferai moine dans le monde », dit-il à sa mère en rentrant. En 1874, inscrit à la faculté des lettres de l'université d'Athènes, il n'y suit que quelques cours ; il n'aura jamais de diplômes. Tout seul, sans professeur, il apprend le français et l'anglais. Quand il tente d'obtenir le diplôme de professeur de français (1881), il échoue. À trente ans, incapable de gagner sa vie, il demande encore de l'argent au pauvre prêtre.

En retard sur son époque comme d'habitude, Papadiamandis commence sa carrière littéraire par le roman historique, genre qui se trouvait déjà à son déclin : L'Émigrée (1879), Les Marchands des nations (1882), La Bohémienne (1884). On a du mal à reconnaître, dans ces aventures conventionnelles, le prosateur doué des années suivantes. Christos Milionis (1885), long récit inspiré d'une chanson populaire, est une œuvre de transition : Papadiamandis trouve sa voie dans le conte. Jusqu'à la fin de sa vie (quelques poèmes et quelques articles exceptés) il n'écrira que des nouvelles, plus ou moins longues, publiées dans les journaux et dans les revues ; de son vivant, elles ne seront jamais reproduites en volume.

Une certaine réussite littéraire ne change ni ses habitudes ni sa misère : il passera toute sa vie à travailler dans les journaux comme traducteur. Après la mort de son père (1895) il eut à subvenir aux besoins de sa famille. Ses trois sœurs, vieilles filles, n'ont pas d'autre protecteur ; son frère Georges, malade mental en 1904, meurt un an après. Accablé par la misère, conscient de son inutilité, inadapté à la vie de la capitale, Papadiamandis, crasseux et mal vêtu, loin de l'intelligentsia et des salons littéraires, fréquente quelques gens du peuple, dans les tavernes et les cafés, devient alcoolique, ou psalmodie des nuits entières dans la chapelle de Saint-Élisée. Quand la princesse Marie Bonaparte organise en son honneur une soirée littéraire (1908), il refuse de s'y rendre. Un mois plus tard, il part pour Skiathos, où il passera ses dernières années et mourra, dans la pauvreté.

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Écrit par

  • : professeur de littérature néo-hellénique à l'université de Salonique

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    • 7 317 mots
    ...ville, peu développée, n'attirait pas encore l'attention. Les nouvellistes, vulgaristes pour la plupart, abondent. Parmi les puristes, on peut citer A.  Papadiamandis (1851-1911), originaire de Skiathos, peintre de la vie de son île en images pleines de nostalgie et de poésie profonde ; il demeure un des...